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Domaine étranger Les autres je

février 2004 | Le Matricule des Anges n°50 | par Benoît Broyart

Nikolaj Frobenius poursuit son exploration d’une réalité déformée par le prisme de la perception humaine. Éprouvant.

Heureusement, la littérature continue parfois à balayer des espaces de réalité troublants qu’on ne pensait pas parcourir avec autant de voracité. Elle mène le lecteur plus bas, lui donne le pouvoir d’aller au profond pour goûter ce qu’il pensait ne pas aimer. Car la saveur des textes de Frobenius contient l’obsession et l’angoisse, certains diraient même la perversion. Quelque chose d’humain, en somme.
Un jeune comédien, Christopher, part pour un court voyage avec ses parents. Au détour d’un kiosque à journaux, son père, réalisateur de films documentaires, disparaît. C’est le point de départ de l’errance pour Christopher, entre recherche du père et quête identitaire.
Perception et sensation sont les deux moteurs des romans de Nikolaj Frobenius, cinéaste et écrivain norvégien né en 1965. Après Le Valet de Sade, qui dressait le portrait d’un homme insensible à la douleur subordonné au Divin marquis et Le Pornographe timide, projection d’un adolescent dans un monde où tout est sexe, curieux roman de science-fiction, l’écrivain choisit d’habiter les mêmes terres troubles en se débarrassant des bornes du passé ou du futur. On reste impressionné par l’éventail d’univers que Frobenius est parvenu à investir en quelques années, comme si l’auteur se devait de tester les mondes littéraires les uns après les autres pour tenter de les épuiser.
Frobenius n’est pas un grand architecte. Ici, la structure du roman suit l’image ou la sensation, le texte invente son cadre à mesure qu’il s’étend. C’est que l’écrivain norvégien cultive le goût du déséquilibre, des édifices sur le point de s’effondrer. Le texte accélère, stagne puis repart, et le lecteur se voit constamment secoué. C’est pourquoi, au fond, il éprouve une forte sympathie pour Christopher qui se débat ici sans succès dans sa quête identitaire, cherchant son père, tombant sur un demi-frère dont il ignorait l’existence, s’interrogeant sur la nature réelle des films documentaires réalisés par le disparu. Le lecteur partage les sensations du jeune homme et pénètre dans le désordre de son cerveau : « Plusieurs voix cohabitaient dans ma tête, mais je savais qu’elles ne se parlaient pas : elles caquetaient, déformaient, imitaient… Elles caquetaient au sujet de choses qui ne s’arrêtent pas : violence et jouissance, destruction et ordre, des sons qui durent infiniment, des phrases qui contiennent toutes les choses au monde, toutes les pensées, ce qui n’a pas de fin. »
Mais Frobenius excelle davantage encore dans la rupture de ton. Il sait créer de magnifiques arrêts sur image pour provoquer la déflagration. La phrase courte cingle. Comme si l’auteur imposait au lecteur de rester un peu plus longtemps la tête sous l’eau : « Soudain, ça se relâcha en moi, comme un bouchon qu’on retire, et le personnage de mon rôle se répandit par terre », « Elle me caressa le visage et sourit. Mais ses yeux étaient sombres et comme enfoncés au plus profond de son visage » ou encore « Son visage était bouffi, comme s’il avait dormi la tête dans un four. »
Comme Le Pornographe timide, Je est ailleurs est aussi une réflexion sur l’image et sur son rapport à la réalité, donc un texte moderne et inquiétant. Comparé aux deux précédents romans de l’écrivain, on pourrait écrire de Je est ailleurs qu’il est plus nu et s’infiltre plus insidieusement dans la mémoire. Le texte gagne en subtilité ce qu’il semble perdre en force brute.

Je est ailleurs
Nikolaj Frobenius
Traduit du norvégien
par Lena Grumbach
et Hélène Hervieu
Actes Sud
272 pages, 19,90

Les autres je Par Benoît Broyart
Le Matricule des Anges n°50 , février 2004.
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