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Domaine français Témoins à charge

février 2004 | Le Matricule des Anges n°50 | par Pascal Paillardet

Le temps d’un livre, un alcoolique repenti et une femme enrobée s’invitent dans une intrigue. Le brio de Franz Bartelt est intact.

Charges comprises

Les êtres de cet acabit ont d’ordinaire des ambitions romanesques mesurées. Ces rois boiteux du second plan étrennent le récit au pas de charge. Ils naissent au détour d’une ligne, et meurent sans funérailles quand le paragraphe expire. Gontrane, qui accuse « son quintal et plus », et Trégaille, autrefois pochard, sont de ces personnages économes et indécis. « Une grosse femme, un ivrogne repenti, un supermarché, une chambre d’hôtel, de la nourriture sur un lit, la nuit, l’enterrement d’une mère le matin même, un mari sordide et possessif. C’est vrai qu’il y avait là les ingrédients d’une histoire. Mais laquelle ? Je vous le demande ». Lorsque Gontrane et Trégaille se glissent dans le dernier roman de Franz Bartelt, Charges comprises, c’est avec la timidité des sans-grades de la fiction. Ils attendent l’irruption des vedettes, l’enchaînement des péripéties, le tourbillon des passions… Rien ne vient. Ils demeurent là, éblouis par la blancheur de la page. Personne ne les rejoint sur la scène. C’est à eux d’imaginer la suite. Franz Bartelt leur donne une chance d’écrire leur histoire, jusqu’au dénouement.
Surnommée Larmâche (du verbe remâcher), de retour de l’enterrement de sa mère, Gontrane a décidé en ce jour de deuil d’oser la liberté et de fuir son mari tortionnaire. Écrivain autrefois présomptueux, mais à l’inspiration désormais tarie, Jean Trégaille compte les jours qui l’éloignent de sa dernière soif, après une cure de désintoxication. Un bus rapproche ces deux égarés, un repas dans la cafétéria d’un centre commercial les réunit. « Je vous vois superbe », confesse Trégaille à Gontrane, « belle par nature, et grosse par accident ». Dès lors, il leur faut inventer les répliques, croire à la conversation, élaborer une intrigue, susciter le coup de théâtre. Il leur faut se caler, épaule contre épaule, dans la « comédie amère » d’un roman dont ils sont les hôtes circonspects, mais lucides. Et vivre, à charge de revanche. « Une vie, écrit Franz Bartelt, c’est dix ou quinze romans. Même si on a le sentiment qu’il ne s’y passe jamais rien ».
Amorcé par l’accident de cette rencontre entre deux solitudes, Charges comprises est l’un de ces romans suggérés par l’existence, un roman d’une sincérité et d’une clairvoyance entières. À l’exemple de Trégaille « Il essayait d’imaginer une suite à leur rencontre. Pour les besoins d’un livre », Franz Bartelt se hisse à la hauteur de l’énigme de l’écriture. « Un jour, on s’assoit à une table, on entre dans le rectangle de papier et on y reste pendant trente ou quarante ans, sans modifier l’ordre des choses qui nous concernent, cultivant sans faiblesse toutes les faiblesses qui nous ont engagés dans cette espèce de pratique à l’inconfort familier… »
Né en 1949 dans les Ardennes hantées par Rimbaud et Verlaine (Trégaille a écrit sous le pseudonyme de Franck Lélian !), Franz Bartelt se confronte dans Charges comprises à la retorse « épreuve des mots ». Auteur des romans Les Bottes rouges (Gallimard, 2000) et Le Grand Bercail (Gallimard, 2002), il dévoile dans cette remarquable fiction quelques-unes de ses intuitions sur les circonstances qui président à la recréation du monde « dans les formes domestiquées de l’expression romanesque ». Ses personnages, Gontrane et Trégaille, sont les témoins à charge d’une brillante plaidoirie en faveur du métier d’écrire.

Charges comprises
Franz Bartelt
Gallimard
212 pages, 16

Témoins à charge Par Pascal Paillardet
Le Matricule des Anges n°50 , février 2004.
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