La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Domaine étranger Gorgées légendaires

avril 2004 | Le Matricule des Anges n°52 | par Bertrand Serra

Deux recueils inédits viennent rappeler la verve sans égale de Bohumil Hrabal (1914-1997), maître griot du quotidien pragois.

Après des années d’écriture poétique (surréalisme et dadaïsme sous perfusion) et « d’amoncellement naturel de métaphores et d’images », Hrabal écrit durant l’hiver 1952 l’histoire de Jarmilka, jeune ouvrière enceinte que son amant ne veut pas épouser. C’est la première fois que Hrabal soumet un de ses textes au rythme de la palabre, à son flot torrentiel, qui brasse bière, histoires à dormir debout, invectives, éructations, poésie à fleur d’usine, et propos de brasseries. Cette manière de raconter, de s’emporter, de vivre le dire, c’est son oncle Pépine, inépuisable palabreur et grand buveur de bière (c’est un sport national) qui lui inspire. Son quartier, les nombreux métiers qu’il exerce (clerc de notaire, cheminot, emballeur de papier, accessoiriste de théâtre, etc.) en 1952, il travaille aux aciéries de Kladno apportent à Hrabal la matière de la plupart de ses récits.
Fils d’un gérant de brasserie, ce lieu (il y passera toute sa vie plusieurs heures par jour) restera pour lui un révélateur, assouvissant là son goût immodéré pour la discussion, la langue orale, populaire et argotique, et les histoires, légendaires ou arrangées. « Ainsi, n’importe qui peut raconter tout un jeu de légendes, pour atteindre, par le jeu de l’imagination et la grâce du mensonge, pour arrondir et compléter intérieurement certain récit qui lui permette de dépasser son existence et de tendre vers la transcendance. »
Ballades sanglantes et légendes, dont est tiré cet extrait, est publié en 1968 durant le Printemps de Prague. Collage littéraire (fragments de réel, arrachés et retranscrits directement) et technique du ready-made lui fournissent la démarche formelle. Trois perles se lovent entre ses pages comme « Légende d’Egon Bondy et Vladimir » (Vladimir Boudnik est le théoricien de « l’explosionnalisme » un équivalent plastique du « réalisme total » de Bondy et Harbal), « Légende de Caïn », et surtout celle de la belle Julinka. Alternant rêverie, malice et bouffonnerie, ce recueil fut un succès.
Le second inédit, Jarmilka, qui voyagera longtemps sous le manteau (Hrabal n’hésite pas à exposer le fonctionnement politique du régime, qu’il compare au nazisme) ne sera publié qu’en 1992. Ce premier écrit en prose « marque un tournant décisif dans son orientation littéraire ». Dans un entretien qu’éditeur et traducteur ont joint au recueil, Hrabal confie à propos de Jarmilka : « Je commençais à construire ma maison par le toit, j’insistais toujours sur la façade. (…) Et cela m’a pris longtemps avant de comprendre que je devais tout reprendre à la base, que je devais cesser de fuir et me mettre à écrire comme si j’écrivais pour un journal, comme si j’effectuais un reportage sur les gens, leurs conversations et leur travail, en un mot sur leur vie. »
À défaut d’avoir un toit ou une façade achevés, nous avons là les soubassements, les outils qu’il ne cessera d’aiguiser, et qui l’aideront à poser la charpente de son œuvre à venir la réécriture du réel par le procédé de la palabre, dans une veine populaire. Sa voix semble pourtant ici encore en cours d’échauffement. Ou bien en pleine macération : quelques années en cuve aideront à épurer un lyrisme flamboyant, à brasser les matériaux et procédés, à les fondre en une texture univoque, celles de ses chefs-d’œuvre Une trop bruyante solitude (1976), Moi qui ai servi le roi d’Angleterre (1971)… Ne resteront, alors, apparents, que la grâce, la puissance et le génie. Une verve qui ne peut être comparée qu’à celle de Céline (qu’il admire). Prolifération verbale et débordement dionysiaque, explosif, parfois jusqu’au délire, humour entre absurde et burlesque irriguent la plupart de ses textes en prose. Et se fondent à une finesse de sentiment, une mélancolie rarement absentes une note acidulée qui n’arrive pourtant pas à amputer sa passion, irréfrénable, pour la vie. C’est pour le lecteur, une jubilation extrême.

Bohumil Hrabal
Jarmilka
Traduit du tchèque par Benoît Meunier
115 pages, 14
Ballades sanglantes et légendes
Traduit du tchèque par Xavier Galmiche
270 pages, 20
L’Esprit des péninsules

Gorgées légendaires Par Bertrand Serra
Le Matricule des Anges n°52 , avril 2004.
LMDA papier n°52
6,50 
LMDA PDF n°52
4,00