Après Chat et Souris (moutons), Gengis parmi les Pygmées est la suite des aventures de Gengis, Tonton et Tata dans le monde moderne. Gengis est un marchand de fruits et légumes. Il vient de gagner le « concours » pour devenir le chef de la nation. Avec l’aide de Tonton et Tata, il va affronter toute une série de questions. Sa première idée est : « Je serais d’accord avec tous et ils seront d’accord avec moi ».
Dans cette nouvelle pièce, Gregory Motton s’attaque avec un humour féroce et décapant au monde tel qu’il est devenu, un monde capitaliste, globalisé, uniformisé et américanisé. Les scènes s’enchaînent, rapides. Comme un Candide naïf, Gengis se pose toute une série de problèmes, par exemple : comment faire plus de profits, ou bien : comment rendre les gens encore plus semblables, les faire d’avantage consommer tous ces riens qui s’autodétruisent le plus rapidement possible pour créer de nouveaux besoins d’encore plus de riens.
Mais Gengis cherche aussi à faire plaisir à son peuple : « C’est presque Noël, il ne reste que deux cent cinquante-deux jours de shopping. J’aimerais donner à mon peuple un cadeau vraiment surprenant, mais qu’est-ce que l’on donne à quelqu’un qui a déjà presque tout ? Mon peuple est gâté. » La réponse de Tata : « Tu n’as qu’à leur donner plus de la même chose mais en l’appelant autrement » ne le satisfait pas. Il a alors l’idée d’inventer un nouveau besoin, le nœud coulant. Cela lui permettrait de faire encore plus de profits, et les gens pourraient enfin se pendre eux-mêmes. Gengis cible donc ses futurs consommateurs, les 7/12 ans. Il crée pour assurer la promotion de ce nouveau produit, un hebdomadaire pour les pré-adolescents, avec une page courrier de cœur entièrement rédigée par Tata et lui-même. Le but, c’est de donner aux plus jeunes l’envie de ne pas se démarquer de leurs copains en se pendant comme tout le monde. On le voit, Gregory Motton ne fait pas dans la demi-mesure. Sa pièce est méchante mais surtout très drôle. À ce jeu de chamboule-tout, les répliques que l’écrivain place dans la bouche de ses personnages sont quasiment toutes lapidaires.
Dans une deuxième partie, Gengis a des états d’âme : « Ça ne va pas, j’ai eu ma dose, je vais me rebeller ; je vais me donner pour mission d’essayer de persuader chacun dans le monde de ne pas être aussi cupide et aussi stupide, et de se contenter de ce qu’il a, et d’être aimant et pacifique envers tous les hommes. Qu’en dites-vous ? » Il apprend qu’il est viré de sa fonction. Et déclenche presque par mégarde une guerre commerciale avec les États-Unis. Il décide alors, pour gagner cette guerre mal emmanchée, de faire de l’espionnage industriel dans une entreprise américaine. Mais comme il n’y a plus d’usines aux USA, il part donc aux Philippines où il se retrouve exploité. Cet apprentissage de l’exploitation des pays riches sur les pays pauvres se fait avec une indéfectible bonne humeur. Les personnages de Motton, même lorsqu’ils revendiquent, le font comme dans une publicité, ce qui donne l’impression de voyager dans un monde totalement virtuel. Où même la liberté serait sponsorisée : « Qui de nos jours peut faire la différence entre la liberté de mouvement jusqu’au mouvement de l’intestin, et la liberté elle-même. C’est cela que je suis venu vous dire : je veux que Chacun soit libre, chaque homme, femme et enfant. C’est pourquoi nous démarrons un programme afin de fournir un pack de régulation de l’intestin à chaque foyer du monde entier d’ici 2010 » dixit Tonton. Quant à la spiritualité, elle serait réduite à quelques minutes par jour, le temps de boire une tasse de café, mais un café nommé « Arc en Ciel ». Formidable, non ?
Gendis parmi les Pygmées
Gregory Motton
Traduit de l’anglais
par Nicole Brette
Éditions Théâtrales
88 pages, 13 €
Théâtre Satire à tout va
mai 2004 | Le Matricule des Anges n°53
| par
Laurence Cazaux
Comme Gulliver voyage à Lilliput, Gengis se retrouve parmi les Pygmées, ces hommes d’hier, « si petits au point d’être invisibles », face au grand potentat industriel.
Un livre
Satire à tout va
Par
Laurence Cazaux
Le Matricule des Anges n°53
, mai 2004.