Depuis ses débuts Patrick Bouvet signe des livres inclassables qui tiennent plus du roman laboratoire et de l’installation que de la narration classique. Utilisant des techniques auxquelles nous ont plus accoutumés le domaine musical ou les arts plastiques l’effet de répétition, la mise en boucle, le sampling il façonne une écriture faite tour à tour de courtes séquences compactes et acérées ou plus aériennes, mises en regard d’une page à l’autre. Le ranger dans la catégorie des « poètes sonores » serait néanmoins une erreur. La démarche de Bouvet est éminemment politique. Ses lectures-performances, l’adaptation de ses livres pour la scène, le travail sur la forme sont autant de moyens qui lui permettent de coller au contemporain, de radiographier une époque tout en étendant son champ d’exploration. Dans Chaos boy, un groupe de touristes en mal d’exotisme et d’aventures, mais ayant « un contact chaleureux avec la population et les dauphins », se retrouve au milieu de territoires en guerre, des messages délivrent des discours ultra sécuritaires, un charnier de consommateurs se superpose au strass, des tueurs en série prennent des allures de héros de jeux virtuels. De véritables télescopages, et non « de simples froissements de tôle », qui du monde du travail au milieu de la mode ou de la télé réalité, en passant par le tourisme de masse et les guérillas urbaines montrent avec humour et ironie les diverses formes de violence que peut s’infliger une société en manque de repères avec le réel.
In Situ, Shot et Direct formaient un véritable triptyque : celui du rapport à l’image et du traitement de l’information. Chaos boy s’inscrit-il dans la continuité ou est-il en rupture avec vos ouvrages précédents ?
Je dirais plutôt qu’il s’agit d’un livre de transition. J’éprouve le besoin de parler d’une autre manière des choses sans pour autant abandonner ce mode d’écriture. En règle générale j’ai besoin de structurer mes livres, d’avoir un plan en tête même si celui-ci peut évoluer, d’écrire avec le projet de faire un livre. Ici, j’ai écrit parce que j’avais envie d’écrire, sans trop savoir de quoi il retournait. Au départ, j’étais parti pour des raisons extra littéraires pour tenir un journal, un faux-journal où je suivrais ce qui se passait dans le monde. J’écrivais au jour le jour en me laissant une certaine liberté. Évidemment je me suis aperçu que j’avais toujours les mêmes obsessions, que je retombais sur des thèmes de prédilection, que des textes se recoupaient. L’idée m’est alors venue de les rassembler pour en faire un livre.
On est peut-être dans une démarche plus romanesque.
J’ai de plus en plus envie de me tourner vers la fiction, d’écrire une histoire avec des personnages pour parler de notre triste réalité. Pour moi, le modèle à suivre reste Don DeLillo. Même si je n’écris pas comme lui, je me sens en phase avec les thèmes qu’il explore. J’aime cette façon de capter le monde d’aujourd’hui, ces romans qui...
Entretiens Western reality
Patrick Bouvet poursuit une œuvre aussi singulière que radicale. Dans « Chaos boy », il décrypte les différentes formes de violence que peut prendre la société contemporaine et fait voler en éclats tous les clichés de représentation.