Depuis ses années de jeunesse, Hwang Sok-Yong milite en Corée du Sud pour faire évoluer une société qu’il estime figée. Plusieurs fois emprisonné pour ses idées et pour avoir participé à des manifestations, il n’a jamais renoncé à son combat. « Les Terres étrangères » et « La Prospérité », les deux nouvelles qui ont été réunies dans ce recueil, datent toutes deux du début des années 70. Le contexte local et international est alors tendu, entre guerre du Viêtnam et troubles intérieurs ce qui n’incite pas les autorités coréennes à se montrer clémentes avec les artistes indépendants. Bravant la censure, Sok-Yong dépeint la vie des ouvriers et la tragique histoire d’une famille pauvre de la banlieue de Séoul. Dans un style sobre, dépouillé, entièrement dédié aux dialogues crus d’un monde de journaliers malmenés, il décrit de manière quasi documentaire les petites gens en lutte pour gagner ou sauvegarder quelques maigres droits. Certaines répliques semblent aujourd’hui caricaturales, sorties tout droit d’une version asiatique de Germinal : « Ils disent qu’on ne mange pas tant qu’on a pas repris le travail. Ils s’en foutent eux, ils ont le ventre plein », « On s’échine à gagner trois sous et dès qu’on est épuisé, on boit ».
Hwang Sok-Yong parvient pourtant, au-delà d’un discours martelé, à rendre ses personnages attachants. Il leur prête une réelle réflexion sur leur condition et sur les progrès à accomplir pour améliorer le sort des indigents. Ces combattants idéologiques sans argent, sans moyen de pression et sans représentation ne s’appuient que sur une seule assurance : « L’important, c’est de continuer à vivre ».
Les Terres etrangères de Hwang Sok-Yong
Traduit du coréen par Kim Jungsook et Arnaud Montigny, Zulma, 184 pages, 15 €
Domaine étranger Germinal asiatique
juin 2004 | Le Matricule des Anges n°54
| par
Franck Mannoni
Un livre
Germinal asiatique
Par
Franck Mannoni
Le Matricule des Anges n°54
, juin 2004.