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Domaine étranger Dans la tourbière

octobre 2004 | Le Matricule des Anges n°57 | par Didier Garcia

Douze nouvelles arrachées à la terre et à la neige de Virginie pour une endoscopie de la douleur humaine.

Qu’arrivera-t-il au bois sec ?

Malgré la brièveté de son passage sur terre et une œuvre qui se résume à un recueil de nouvelles, Breece D’J Pancake est tenu pour l’un des auteurs majeurs de la communauté littéraire appalachienne contemporaine.
Né en 1953 en Virginie-Occidentale, Pancake enseigna d’abord à l’institut militaire de Lexington, puis l’anglais dans une université. En 1977, la revue américaine The Atlantic publia son premier texte, affublant alors son nom de deux initiales apocryphes (la coquille ne dut pas totalement lui déplaire puisqu’il les adopta). En 1979, sans que sa famille ne sache exactement pourquoi, il se donnait la mort en s’enfonçant le canon d’un fusil dans la bouche.
Les nouvelles de Pancake n’en imposent pas par leur intrigue. Pour tout dire, elles évoquent plus qu’elles ne racontent. « Encore et encore » présente un homme dont le fiston s’est enfui lorsque sa femme est morte : il lui reste ses porcs, son boulot, son chasse-neige. Un jour comme un autre, ni plus triste ni plus gai qu’un autre, il prend un jeune auto-stoppeur, parle un peu avec lui, lui explique qu’il se sent vieux, qu’il aspire au repos, qu’il aimerait désormais voir ses porcs vieillir et mourir, puis le dépose là où son chasse-neige doit effectuer un demi-tour.
Leurs personnages n’ont pas vraiment la carrure de héros : putes, clochards, paumés, alcooliques, infirmes… Des gens vraiment perdus : « c’est pas une cuite qui va les sortir de là, c’est pas la mort qui va les libérer de tout ça. On s’en défait pas. » Ajoutez-leur des parents malades (par exemple un père aveugle), des souvenirs persistants de la Seconde Guerre mondiale, et vous vous ferez une idée de leur enfer quotidien. Quant au décor, rien ici qui évoque le rêve américain : ce sont des lieux où il pleut, où il neige, où il vente, bref où il ne fait pas bon vivre puisque l’on n’y donne sa chance à personne. Même le sorgho est bouffé par le mildiou. Heureusement, dans les cafés, les serveuses ont des jambes et des hanches faites pour gravir les marches des avions. Reste quand même que les avions se font rares, et que l’essentiel de la vie se passe bien sur terre. Et que l’on soit agriculteur, porion (entendez mineur), mécano, coqueleur (entraîneur de coqs destinés au combat), quartier-maître sur un remorqueur (c’est-à-dire apte à faire tout ce dont le capitaine et le second ne veulent pas), conducteur de chasse-neige ou de semi-remorque (Ottie passe ainsi ses années « sur fond de pistons qui ronflent, de routes qui défilent »), le bourbier est le même pour tous, un bourbier qui rappelle vaguement la tourbière dans laquelle pataugent les personnages de Beckett.
Dans cette Virginie-Occidentale, « rien ne va jamais comme ça devrait ». Pour chacun, il est donc urgent de trouver une issue. Ce pourrait être celle-ci : « quand tout le monde va dans le même sens, c’est que c’est le moment de repartir dans l’autre sens ». Mais le mieux, ce qui pourrait vraiment sauver, c’est l’autre : « ça fait du bien d’être avec quelqu’un ». Surtout s’il peut s’agir d’une femme : « L’obscurité, c’est ce qu’il y a de mieux. Pas de visage, pas de paroles, juste une peau toute chaude, quelque chose de proche et de doux, quelque chose où on peut se perdre. »
Inutile ici de chercher la belle langue : on est plus près de Kerouac ou Faulkner que de Proust. Les personnages se traitent volontiers de « fils de pute », et leur malheur n’a pas besoin d’un lexique apprêté pour trouver à s’exprimer. Qu’à cela ne tienne. Pancake touche par sa sincérité, par des textes authentiques qui vont droit à l’essentiel, qui vont là où ça fait mal : quel sens peut-on donner à sa vie ?

Qu’arrivera-t-il au
bois sec ?

Breece D’J Pancake
Traduit de l’américain par Véronique Béghain
Chambon/Le Rouergue
210 pages, 16

Dans la tourbière Par Didier Garcia
Le Matricule des Anges n°57 , octobre 2004.
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