À 30 ans, Laurence Viallet possède déjà une longue expérience de l’édition. Née à Valence, la jeune femme débarque à Paris en 1993. Après une classe préparatoire, elle poursuit ses études de littérature en Angleterre. De retour dans la capitale en 1997, elle est lectrice au Seuil et chez Denoël. Ses débuts comme directrice de collection datent de 1998. À 23 ans, elle entre à La Musardine, y crée la collection « Désordres » grâce à la confiance de Claude Bard et y publie Index de Peter Sotos, première œuvre éditée en français de l’auteur américain. Laurence Viallet quitte bientôt la maison spécialisée en littérature érotique. « À l’époque, La Musardine a souhaité réduire sa production de littérature et cesser la littérature étrangère, s’estimant trop fragile financièrement par rapport aux coûts que cette production peut représenter pour une petite structure. Par ailleurs, la thématique imposée par La Musardine me semblait trop contraignante. »
Elle continue de développer sa collection au Serpent à plumes à partir de 2000. Après le rachat (mouvementé) en 2004 du Serpent de Pierre Astier par Jean-Paul Bertrand, « Désordres » devient une marque indépendante appartenant aux éditions du Rocher. « Mes projets éditoriaux doivent être validés par Jean-Paul Bertrand, qui me laisse travailler dans une grande liberté. Aucun titre ne peut m’être imposé. Les conditions de travail qui m’ont été offertes sont très favorables pas seulement en termes éditoriaux, mais en termes de direction artistique, de presse, de communication ».
Parcours atypique pour une collection qui ne l’est pas moins, accueillie successivement par trois éditeurs, gagnant chaque fois un peu d’épaisseur sans rythme effréné de publication. C’est que le catalogue de Désordres (huit titres aujourd’hui et quatre nouveautés annoncées en 2005) contient une littérature rare parce que subversive et radicale, protéiforme et monstrueuse. « Il y a pour moi une pulsion d’ordre existentiel à publier ces auteurs. Je regroupe ces textes sous une même enseigne, Désordres. Ils questionnent l’ordre établi, donnent à voir ce qu’il y a de complexe ou de caché dans notre humanité ; repoussent les limites de la littérature et du langage, recherchent l’innovation formelle. S’articulent autour d’une forme de révolte, loin du ronron et du consensus. La radicalité parfois »problématique« de certains textes m’a également poussée à accoler mon nom aux livres, pour mieux les revendiquer. Il y a une volonté de publier des textes littéraires qui ont vocation à être pérennes et non des produits de divertissement, jetables et surreprésentés. »
La jeune femme privilégie les œuvres hors norme, hors cadre, affichant à travers ses choix un goût prononcé pour les univers décalés. On se souvient de la publication d’Au bord du gouffre de David Wojnarowicz (Lmda N°52), œuvre violente décrivant la vie d’un artiste homosexuel dans l’Amérique interlope des années 80.
La sortie récente de Sang et stupre au...
Éditeur Une femme en enfer
mars 2005 | Le Matricule des Anges n°61
| par
Benoît Broyart
Accueillie par Le Rocher depuis l’an dernier, Laurence Viallet continue à semer le désordre avec une collection ouverte aux voix transgressives.
Un éditeur