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Domaine étranger L’âme égyptienne

mai 2005 | Le Matricule des Anges n°63 | par Thierry Guinhut

Voyage pharaonique, « Le Livre des illuminations » de Gamal Ghitany mêle dans un écheveau de récits les mythes et la grande histoire de la civilisation arabe.

Le Livre des illuminations

Le lecteur que nous sommes sera-t-il illuminé ? Partagés entre notre qualité de mécréant et le souffle de ce vaste roman, nous ne pouvons que rester dubitatifs devant ce lyrisme inspiré, non sans beauté certes, mais trop inféodé à la rhétorique religieuse, à la sujétion à la parole de ou d’un Dieu… Reste que ce « voyage » surnaturel est impressionnant. S’il ne nous est pas donné de le lire comme un croyant, mais comme un amateur de récits fantastiques, nous avons le bonheur de pénétrer dans un univers aussi rigoureux que poétique.
Après avoir confié dans L’Epître des destinées (Seuil, 1993) ses déceptions liées à notre trop terrestre et trop bref passage autant qu’à la pauvreté de l’Egypte, Gamal Ghitany s’envole dans un au-delà aux multiples rebondissements. C’est au retour de voyage que le narrateur apprend la mort de son père. Sa douleur lui vaut d’être présenté devant le « Divan », étrange trio d’esprits supérieurs qui lui accorde de voyager d’illumination en illumination… Ainsi, le temps est vaincu, la liberté écarte les contingences jusqu’à la révélation et l’union avec Allah. Mais au cours de ce grandiose périple qui emprunte son éthique et son mouvement à la mystique soufie, d’autres pères, d’autres guides apparaissent. Dont Nasser, père politique de l’Egypte moderne, qui pourtant déçut le marxiste qu’est Gamal Ghitany, d’ailleurs envoyé en prison pour avoir douté du rêve nassérien. C’est ainsi qu’une destinée personnelle embrasse les destinées d’un pays…
C’est à la fois un récit venu des grands voyageurs arabes, sinon des Mille et une Nuits, une épopée frémissante de poésie, mais aussi un guide spirituel et philosophique (s’il est permis de rendre poreuse la frontière entre philosophie et religion) non sans allusion à son maître aimé : le grand soufi Ibn Arabi, auteur d’un récit intitulé Chimie de la joie. À moins que se glisse une allusion au Livre des morts égyptien. Ou encore un écho de la Divine comédie de Dante. Sans compter à tout seigneur tout honneur le Coran, dont les notes nous restituent les références. On se fatiguerait à chercher les sources, comme si l’auteur n’était pas un authentique créateur. Peut-être enfin s’agit-il d’une fabuleuse entreprise autobiographique, d’une auto-thérapie…
On apprend comment se ramasser dans une goutte d’eau, on voit l’instant de la fécondation de l’ovule, comment des « flashes » conduisent dans le passé, auprès des grands penseurs, poètes et prophètes d’une prolifique civilisation arabe : « J’ai vu une foule d’êtres disparates entre lesquels étaient répartis les atomes de mon père ». Le délire maîtrisé coule à pleins bords, la langue du poète semble donner accès à chaque infiniment grand et infiniment petit. Après « Les Illuminations », ce sont « Les Voyages », puis « Les Stations », enfin « Les États ». Entre la mort du père et celle de la mère, toute une cosmogonie est visitée, habitée : « Par l’étoile quand elle décline, votre compagnon ne s’égare ni n’est fol, ni ne tient langage de passion. Ceci n’est que Révélation à lui révélée dont l’instruisit un pouvoir intense et pénétrant. » Ce verset du Coran prend en écharpe le livre entier.
Mais guère de libre arbitre dans cet envol : tout appartient à la décision de Dieu. Si le soufisme est pour Gamal Ghitany du côté de la lumière, rejetant le wahhabisme intolérant dans l’obscurantisme, il nous est permis, nous Occidentaux, quoique fortement charmés par ce roman, de préférer les Lumières du XVIIIe siècle, qui furent une des aubes de nos libertés. Remarquons cependant à ce propos que le narrateur dit « je ». Ce dont, on le comprend, les écrits arabes ne sont paraît-il guère friands. Autre trait de liberté, lorsque le conteur ose montrer son père et sa mère faisant l’amour… Théologie (quoique ouverte à toutes les religions, y compris à l’athéisme d’après l’auteur lui-même) ou brillance et liberté du roman ? Il n’en reste pas moins que Naguib Mahfouz n’est plus le seul grand écrivain égyptien.

Thierry Guinhut

Le Livre des illuminations
Gamal Ghitany
Traduit de l’arabe (Egypte) par Khaled Osman
Seuil, 885 pages, 35

L’âme égyptienne Par Thierry Guinhut
Le Matricule des Anges n°63 , mai 2005.
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