Le nom sonne comme celui d’une organisation clandestine de la banlieue de Los Angeles. Mais en lieu et place de la cité des anges, c’est à Givors, entre Lyon et Saint-Étienne que ce gang-là est installé. Un gang pas trop fourni : ils sont deux, Claire et Yves Olry à faire marcher tout à la fois une maison d’édition, une petite imprimerie et une société de graphisme. Installés au premier étage, les bureaux de Color Gang offrent une vue sur la grande rue qui relie l’autoroute toute proche aux zones commerciales. Ici, Givors ressemble à une ville qui s’est peu à peu transformée en banlieue, tendance populaire.
Yves Olry a des allures de Robert Herbin, l’ancien entraîneur des Verts. Lunettes sur un visage taché de rousseur, cheveux frisés en bataille, l’éditeur nous accueille avec la nonchalance des sans illusion. Un peu étonné qu’on s’intéresse à sa maison d’édition.
Cet Alsacien se définit d’abord comme un artiste : quelques-uns de ses livres ont accueilli ses gravures, tel Le Grand Poucet de Jean-Yves Picq, l’un des titres les plus récents, publié l’an dernier. Il n’est pas sûr que le terme d’ « actualités » soit pertinent pour évoquer les parutions de Color Gang : en dix ans, la maison d’édition a publié seize livres. Autant dire que le rythme n’épouse pas les saisons. La plupart des titres sont consacrés à des textes de théâtre. Beaucoup sont incisifs, d’autres empruntent des formes monologuées qui mettent à jour une scène intime, poétique, parfois burlesque.
Après des études à l’école des arts graphiques de Mulhouse, Yves Olry apprend le métier d’imprimeur typographe (il réalise aujourd’hui une dizaine de livres d’artistes par an). Il fait un peu tous les métiers de l’imprimerie et crée, avec trois autres artistes, la SARL Color Gang en 1986. « C’était alors plutôt une société de production qui s’intéressait à l’imagerie artificielle et aux palettes graphiques. On a beaucoup exercé dans ce domaine-là. » En deux phrases laconiques, le bonhomme résumerait vingt ans d’activité et basta.
Les premières productions de Color Gang n’avaient donc rien à voir avec des livres ? « C’étaient des événementiels : on prenait des images en temps réel avec des caméras, qu’on trafiquait en temps réel sur des palettes graphiques et qu’on projetait sur écran géant. On a fait ça dans un meeting de Jack Lang et Georgina Dufoix à la fac, dans les boîtes de nuit, des grandes manifestations sportives. » La mode étant passée, la création graphique prend alors le pas, qui reste aujourd’hui l’activité rémunératrice : affiches, plaquettes, dépliants… Le gérant de Color Gang insiste : « j’ai un statut d’artiste, je ne suis pas salarié de la société. » Seule sa femme l’est : à mi-temps.
Comment passe-t-on de l’imagerie artificielle à l’édition de livres ?
D’abord j’ai découvert le théâtre très tard. Avant 35 ans, je ne m’y étais jamais intéressé, je ne trouvais pas ça magique. Les trucs en direct, ça m’a toujours fait peur : le cirque,...
Éditeur Mini Gang
Plus que du théâtre, Color Gang publie depuis dix ans des textes atypiques, drôlement déjantés parfois, mordants souvent dont ceux du dramaturge Jean-Yves Picq. Une manière de jeter très discrètement des pavés dans les mares.