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Poches Au royaume de l’évidence

juillet 2005 | Le Matricule des Anges n°65 | par Didier Garcia

Pensée inconsistante, idées toutes faites, banalités : le discours du Bourgeois, disséqué par Léon Bloy. Sans complaisance.

Dans le texte faisant office d’introduction aux Histoires désobligeantes (qui reparaissent aux éditions de L’Arbre vengeur), Léon Bloy (1846-1917) se définit comme « un enragé volontaire ». Ce n’est pas son œuvre qui vous dira le contraire. De la rage, vous en trouverez à toutes les pages. Surtout dans celles de l’Exégèse des lieux communs, publiée en deux séries en 1902 puis 1913.
« Plus grave et plus douloureux qu’il n’en a l’air », ce livre s’attaque crânement aux formules toutes faites, à ces vérités vraies que débite toute pensée qui tourne à vide (du genre « nul n’est parfait », « on ne peut pas tout avoir », « la nuit est faite pour dormir »…). D’immenses platitudes qui offrent à Léon Bloy l’occasion de formuler mille et une gentillesses à l’attention de son prochain. Lequel se nomme souvent Paul Bourget, quand ce n’est pas Émile Durkheim. L’écrivain à succès (1852-1935) est un « eunuque par vocation et l’un des adeptes les plus illustres du Lieu Commun ». Quant au sociologue, c’est « un circoncis » et un « incommensurable imbécile ». Il fallait bien que ce fût dit. Mais Bloy a mieux affaire que de les invectiver (s’il le fait, c’est en passant, par plaisir). Il a sous la main une proie qui convient mieux à son appétit, une victime désignée à laquelle il n’aspire qu’à tordre le cou : le Bourgeois. Pour Léon Bloy, la formule toute faite, c’est la casuistique de ce M. Jourdain du XXe siècle, et sa langue naturelle. Une langue qui dit toujours la même chose pour ne dire presque rien. Pour cet « acéphale «  » qui ne fait aucun usage de la faculté de penser et qui vit ou paraît vivre sans avoir été sollicité, un seul jour, par le besoin de comprendre quoi que ce soit » (le voilà habillé pour l’hiver), rien n’est plus beau qu’une vérité vraie : elle l’autorise à se donner l’air important de celui qui tient le savoir dans sa poche (entendez l’argent).
On s’imagine mal le courage qu’il fallait à Bloy pour entreprendre cette « étude morale et philosophique du Bourgeois ». On ne côtoie pas la bêtise sans danger : elle est souvent contagieuse. Bloy le sent. Heureusement pour le lecteur, il le sent vers la fin, après avoir examiné quelque 300 formules où l’intelligence parle pure. C’est déjà beau. D’autant plus beau que Bloy évite l’écueil vers lequel ce florilège l’entraînait : l’exercice de style. Donner l’impression de rabâcher. S’il parvient à ne pas lasser, c’est pour avoir diversifié les approches, privilégiant la parabole, mais donnant aussi dans l’exégèse pure et simple, le commentaire lapidaire, la lettre, quand ce n’est pas un récit. Quelle que soit la manière, qu’il y ait désinvolture, légèreté, ou au contraire application studieuse, Bloy est brillant (on le savait bien sûr déjà). On le savait aussi, mais on le retrouve avec bonheur, le polémiste avait la saillie facile : « L’universelle supériorité de l’homme qui n’est pas plus bête qu’un autre est ce que je connais de plus écrasant » ; « Tout va bien si la coutume n’est pas implantée. L’essentiel est de ne tuer son père qu’une fois » ; quant à « faire du bien autour de soi », pour Léon Bloy c’est une « Question de périmètre » (celui du Bourgeois ressemble au chas d’une aiguille). Sans oublier son humour qui innerve certaines pages et qui n’est pas sans évoquer, avec un demi-siècle d’avance, celui d’un Vialatte.
Qu’apprend-on au juste sur le Bourgeois par son langage ? À peu près ceci : s’il pense plat, s’il ne garde à son service « qu’un très petit nombre d’idées », c’est que cela l’arrange. Il peut ainsi protéger ses intérêts, se donner bonne conscience, sauver les apparences, tromper son monde, et se montrer meilleur qu’il ne l’est. Certains n’y ont vu que du feu, se sont laissé berner par l’éclat des tautologies. Bloy non. Sa pensée y est quand même pour beaucoup.

Exégèse des lieux
communs

Léon Bloy
Rivages poche
416 pages, 9,50

Au royaume de l’évidence Par Didier Garcia
Le Matricule des Anges n°65 , juillet 2005.
LMDA PDF n°65
4,00