Ce sont de petits objets, faits de peu de pages et qui ne pèsent guère au creux de la main. Le papier, d’un fort grammage, offre au toucher un grain qu’on devine choisi avec un savoir-faire et un goût d’artisan. Le flâneur s’attarde sur ces livres si soigneusement présentés, commence à les feuilleter. L’artisan a un nom charmant, délicieusement désuet : Esperluète. Un nom qui remonte à des temps très anciens et qui correspond au logogramme &, lequel occupa jadis le dernier rang dans l’alphabet. Une ritournelle mnémotechnique familière des écoliers d’alors serait à l’origine de ce joli terme d’esperluète.
L’éditeur est installé à Noville-sur-Mehaigne, en Belgique. Ce que l’on prenait pour des livres, lui les appelle des « cahiers », c’est-à-dire des « assemblages de feuilles de papiers pliées, coupées et cousues où se rencontrent une entité littéraire - un récit, une nouvelle, un poème,… et une vision plastique sous forme d’équilibre entre textes et images. » Des livres, on en trouve aussi au catalogue de l’Esperluète, tout comme on trouve des « accordéons », des « hors-formats », des « livres-jeux » et des « recettes. » De tout cela, on reparlera en d’autres temps. Pour l’heure, on s’en tiendra aux cahiers, un ensemble qui héberge une collection nommée « Histoires ». Dans cette graphie insolite, on verra une façon de rapprocher l’art du récit et la très sérieuse Histoire. Parmi les récentes parutions, figurent deux récits d’Eddy Devolder, Ghislain, le saint des premiers jours et La Vocation de Vincent Van Gogh. Comme tous les cahiers, ils sont illustrés : le premier par Lorenzo Mattotti, le second par Jean-Marie Mahieu. La relation entre le texte et l’image est particulièrement soignée. L’auteur saisit la vie du peintre au moment où la vocation religieuse de Vincent Van Gogh se transforme en une passion mystique pour la peinture. La langue est simple, belle, directe. Elle repose sur une phrase souvent brève qui traduit bien les gestes vifs du peintre : « Vincent a disparu. Il n’est pas loin pourtant. Il erre comme un aveugle, un malade de lumière. Il peint Le champ de blé aux corbeaux, des oiseaux noirs, des corbeaux prémonitoires. » Par des formes à peine suggérées, l’illustrateur épouse son propos, en puisant dans une palette de blancs, de noirs et de gris, de la maison des corons du Borinage jusqu’à la pierre tombale du cimetière d’Auvers-sur-Oise.
Dans Ghislain, Eddy Devolder conte la vie d’un personnage oublié de l’histoire chrétienne dont le nom était invoqué pour protéger les nouveau-nés des maladies et de la mort. L’histoire est narrée dans un style sobre, parfois âpre. L’écriture tient à la fois du fabliau et des légendes médiévales de saints. Lorenzo Mattotti a choisi d’illustrer les moments essentiels de cette vie nomade en recourant à un trait à la fois naïf et dynamique.
D’autres cahiers, encore. Pascale Tison a uni son travail à celui de l’illustratrice Loren Capelli pour conter l’histoire de La Petite. Elle...
Éditeur Les historiettes d’Esperluète
juillet 2005 | Le Matricule des Anges n°65
| par
Jean Laurenti
Cette petite maison d’édition belge propose de savoureux assemblages de textes et d’images. Des livres à lire, autant qu’à regarder.
Un éditeur