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Théâtre Antigone des bas-fonds

septembre 2005 | Le Matricule des Anges n°66 | par Laurence Cazaux

À travers une pièce tragi-comique, Janusz Glowacki redéploie le mythe antique en traçant le portrait poignant de l’extrême misère sociale.

Antigone à New York

En décembre 1981, alors que la loi martiale est déclarée en Pologne, Janusz Glowacki, dramaturge, romancier, scénariste et essayiste décide de s’exiler et de s’installer à New York, ville où il réside encore actuellement. Il a écrit huit pièces de théâtre longtemps interdites en Pologne mais qui ont connu un succès international. Ainsi, Antigone à New York a été élue en 1993 par Time Magazine comme l’une des dix meilleures pièces de l’année. À Paris elle a été sacrée Meilleur Spectacle petites scènes en 1997 dans une mise en scène d’Urszula Mikos et Olivier Cohen, tous deux co-directeurs du théâtre le Proscenium.
Antigone à New York revisite le mythe avec pour décor l’une des villes les plus riches de la planète et pour protagonistes trois sans domicile fixe, Anita, une Portoricaine, Sacha, un Russe et Fléa, un Polonais. Paulie, le seul SDF « vraiment » américain est mort de froid pendant la nuit. Il va être enterré dans une fosse commune pour indigents. Son amante, Anita, telle Antigone, ne supporte pas cette situation et cherche par tous les moyens à rendre un dernier hommage digne de ce nom à son amoureux. Elle demande à Sacha et Fléa de l’aider à sortir Paulie de l’endroit où il est mis en bière, mais comme elle n’a pas d’argent, elle choisit pour cimetière un arbre dans un parc new-yorkais. Pour dix-neuf dollars cinquante et la promesse d’une paire d’après-skis, les deux hommes vont se laisser convaincre… Malheureusement, ils vont trouver une dizaine de cercueils alignés et, soit fatigue, soit trouille, soit abus d’alcool, ils vont se tromper de mort… Le rituel de l’enterrement se déroulera quand même. Un petit autel est improvisé sur un banc du parc par Anita, la vie redevient pour un petit moment belle dans la volonté de transcender la misère quotidienne. C’est cette énergie qui est vraiment touchante dans la pièce. Malgré l’alcool, la maladie, l’espoir de s’en sortir dignement tient debout les trois personnages. Janusz Glowacki a écrit là un texte plein d’humanité où les destins tragiques se dévoilent petit à petit.
Face à cette énergie de survie, la bonne morale de la société ou son indifférence est mise en jeu avec un personnage de policier, qui fait des mises au point régulières au public. Il commence par un exposé sur qui sont, d’après lui, les SDF : « J’aime autant vous dire tout de suite que je n’ai rien contre les SDF… Ils ressemblent à chacun d’entre nous sauf qu’ils n’ont pas de domicile, justement. » Puis il égrène la liste des petites différences, un racisme qui s’affiche, mine de rien. « Par exemple… les SDF possèdent un drôle de sens du temps. Nous, on pense en années, en mois… eh bien, eux, ils pensent en heures… parce qu’ils n’ont aucune perspective… Je vous donne une autre différence : nous, nous dormons la nuit, pas vrai ? Parce que cette habitude nous paraît préférable, et normale. Mais eux, ils dorment le jour ! Ils trouvent cela moins dangereux… (haussement d’épaules) Et même si ces… manies ne les rendent pas complètement maniaques (il rit presque), ils ne savent plus exactement ce qui se passe. Sans pour autant devenir tout à fait anormaux… » Le discours du policier se durcit tout au long de la pièce, avec les sempiternels arguments de ne pas assister les pauvres, mais au contraire, de les pousser à redevenir entreprenants. C’est lui qui va avoir le dernier mot, en racontant le suicide d’Antigone-Anita et en concluant : « D’ici la fin de l’année, sur trois cents New-Yorkais, il y aura un SDF. Ce qui veut dire que dans ce théâtre, il y aura au moins une personne qui se retrouvera dans la rue d’ici peu. Cette personne saura certainement se reconnaître. Je vous souhaite une bonne soirée. »
Rien à ajouter, la construction de la pièce dans ce qu’elle cherche à dénoncer est jusqu’au bout très efficace.

L. C.

Antigine à New-York
Janusz Glowacki
Traduit du polonais par Olivier Cohen et Urszula Mikos
Éditions Théâtrales, Maison Antoine Vitez
74 pages, 13

Antigone des bas-fonds Par Laurence Cazaux
Le Matricule des Anges n°66 , septembre 2005.
LMDA PDF n°66
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