Quatrième titre de Frédéric Forte, Opéras-minute est un livre aussi intrigant que revigorant. Il intrigue d’abord par sa référence à des opéras, chacun étant contenu dans la minute de chaque page. Mais surtout, ensuite, par la mise en scène que chacune d’entre elles force à même les mots par un jeu constant et savant de variations typographiques. Chaque texte est systématiquement délimité par une verticale noire : rideau de scène, frontières entre voix off et voix in, délimitations entre variations et poèmes définitifs, coulisse « garantissant, dit l’auteur, l’intégrité de la forme, quelles que soient la quantité et la disposition des signes utilisés. » Toutes ces hypothèses élaborent la matière interrogative de notre lecture. La seconde partie se distingue par l’utilisation constante de formes fixes. Frédéric Forte est un oulipien convaincu. Il se sert autant, mais toujours par le jeu déployé d’une structure-poème graphique, du chant royal que du pantoum, du limerick que du haïku, de la neuvine, du onzain hétérogrammatique que du poème algol classique, etc. On est face à de petites mécaniques horlogères où les voix s’enchevêtrent, font des pauses, reprennent, comme s’il s’agissait de régler les régimes internes du poème. Les amateurs de poésie à contraintes, comme ceux de poésies spatiales et typographiques, s’y retrouveront. Mais si ces Opéras-minute sont aussi revigorants, c’est que leurs opérations parviennent à créer des micro-narrations. Si elles sont parfois déceptives dans leur logique, on comprend qu’il est question là d’intégrer tous les matériaux d’un langage commun à des espèces d’espaces.
Opéras-minute de Frédéric Forte
Théâtre typographique, 128 pages, 17 €
Poésie Champs libres
octobre 2005 | Le Matricule des Anges n°67
| par
Emmanuel Laugier
Un livre
Champs libres
Par
Emmanuel Laugier
Le Matricule des Anges n°67
, octobre 2005.