Jeanne, l’héroïne du cinquième roman d’Adeline Yzac est seule dans un wagon et vit très mal son voyage. Pour la deuxième fois de sa vie, elle emprunte un train. Dans ce huis clos, les souvenirs vont progressivement affluer, déstabilisant la sexagénaire qui doit se rendre à la ville pour une histoire d’héritage. Adoptée très jeune par une famille de paysans périgourdins, elle ne veut rien savoir de son passé. Jusqu’à présent, elle est restée accrochée à la terre, à son rythme, à ses travaux. Elle excelle dans l’art du jardinage. Son jardin a des allures de petit Eden et pourtant un œil averti pourrait y découvrir une sorte de mausolée fait de fines tiges, de brindilles. Jeanne, Jeannette est une taiseuse. C’est son corps qui va parler à sa place. Faire parler les corps, surligner les brisures, ravauder les petites et grandes plaies, c’est la tâche qu’Adeline Yzac s’est impartie. À partir d’intrigues minimalistes, elle tisse des mondes oniriques, mélancoliques où les silences disent beaucoup plus que les mots. Conteuse, elle ponctue ici sa narration d’une petite phrase en occitan, sorte de psalmodie qui se transformera progressivement en yiddish, dévoilant le terrible passé de Jeanne, son horrible relation aux trains. « Quelle faute a été commise ? Etre née, seulement être née. »
Le Jardin de Jeanne d’Adeline Yzac
Éditions du Rouergue, 203 pages, 16 €
Domaine français Train fantôme
mars 2006 | Le Matricule des Anges n°71
| par
Dominique Aussenac
Un livre
Train fantôme
Par
Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°71
, mars 2006.