Après trois premiers tomes proposant une dizaine de pièces regroupées par thématiques les comédies, les pièces mythologiques et les pièces politiques voici trois nouvelles comédies grinçantes. La parution d’œuvres traduites d’Hanokh Levin est toujours un événement. Parce que cet auteur possède une férocité dans l’écriture et un humour qui font mouche. Auteur profondément politique, Levin est surtout un portraitiste de notre condition humaine.
Le Soldat ventre-creux est une variation sur le thème d’Amphitryon et plus particulièrement sur le personnage de Sosie. Un soldat revient de la guerre, se retrouve devant chez lui, et s’aperçoit qu’il a déjà été remplacé par un autre, que sa femme et son enfant prennent pour lui. Un autre soldat, ventre-à-terre, arrive pour les mêmes raisons. La situation n’est pas neuve, d’autres dramaturges l’ont déclinée, mais elle est efficace pour dénoncer la guerre et le vol de l’identité qui s’y opère.La deuxième pièce Funérailles d’hiver est une farce surréaliste et cruelle. Deux familles vont s’enfuir pour éviter un lointain cousin dont la mère vient de mourir et qui veut les convier à l’enterrement, ce qui retarderait le mariage de leur progéniture fixé au lendemain. Tout au long de cette course-poursuite, ça meurt à tour de bras. La pièce pose la question de quelle place avons-nous occupée dans le monde. Certaines répliques sont absolument redoutables comme cet échange entre mari et femme : « Pourquoi vient-on au monde / Pour acheter un appartement./ Et à quoi sert cet appartement / A avoir des murs./ Et à quoi servent ces murs ?/ A avoir une porte./ Et la porte, elle sert à quoi ?/ A mettre une serrure./ Une serrure qui sert à quoi ?/ A ne pas ouvrir./ Donc pourquoi vient-on au monde ?/ Pour ne pas ouvrir. »
On meurt également beaucoup dans Sur les valises, dont le sous-titre est « Comédie en huit enterrements ». Mais entre chaque enterrement, les personnages se promènent valise au bras, rêvant de partir pour une autre vie et restant finalement sur place. Levin nous promène magistralement entre le rire et le tragique et comme il a écrit 56 pièces de son vivant, nous attendons le tome 5 avec impatience.
ThéÂtre choisi IV Comédies grinçantes de Hanokh Levin - Traduit de l’hébreu par Laurence Sendrowicz et Jacqueline Carnaud, Éditions Théâtrales/ Maison Antoine Vitez, 172 pages, 18 €
Théâtre Qu’avons-nous vécu ?
juillet 2006 | Le Matricule des Anges n°75
| par
Laurence Cazaux
Un livre
Qu’avons-nous vécu ?
Par
Laurence Cazaux
Le Matricule des Anges n°75
, juillet 2006.