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Arts et lettres Entre ciel et terre

juillet 2006 | Le Matricule des Anges n°75 | par Richard Blin

De la Rome baroque à l’Ethiopie chrétienne, ce sont les jeux d’ombre et de lumière du connu et de l’inconnu que met en textes et en images Gérard Macé.

Rome ou le firmament

Ethiopie, le livre et l’ombrelle

Gérard Macé est un auteur qui se savoure, un affamé rêveur doublé d’un esthète, un voyageur dans l’espace et dans le temps, dont les livres sont des promenades subtilement érudites parmi la géométrie noire et blanche du rêve et du réel, de l’ici et du là-bas, du perdu et du retrouvé. Le monde, les signes sont pour lui un texte à déchiffrer, des perspectives à ouvrir sur les secrets de nos géographies mentales. De Bois dormant à Illusions sur mesure en passant par Le Dernier des Egyptiens et la série des Colportage (tous chez Gallimard), il ne cesse d’orchestrer les mystérieux rapports de l’ombre et de la lumière, des sens et du savoir, de l’écriture et du destin. Rien d’étonnant donc, à ce que Rome, et plus spécifiquement la Rome baroque, soit au cœur de sa saisie poétique du monde. Rome et ses rêves de pierre à jamais hantés d’ombres bien charnelles, Rome où ne peut pas ne pas s’entendre le « chant sourd d’une langue morte », Rome venue de quel orient d’or et d’ocre, de mirages et de miracles ? Rome dont le séjour, comme disait Cingria, « est des plus merveilleusement enseignant. Ce n’est pas le cerveau, c’est le sens qu’il instruit et fortifie ».
D’une place à une fontaine, d’une église à un palais, des échos d’une fête à une réminiscence de Poe, d’une anecdote à une confidence, c’est à une étonnante errance orientée que nous invite Gérard Macé dans Rome ou le firmament, d’abord paru en 1983 (Fata Morgana) puis sous le titre Rome, l’invention du baroque, dans une édition augmentée mais surtout accompagnée de photographies d’Isabel Muñoz (Marval, 1997). Véritable vision de la Ville éternelle, Rome ou le firmament humanise pierres et monuments, nous plonge dans l’intimité de ces deux merveilleux génies que furent Borromini et Le Bernin, « deux personnalités inconciliables » qui, comme « les deux faces d’un nouveau Janus » ont incarné l’âme baroque, « ses violences et ses contradictions : extraverti ou introverti jusqu’à l’excès, comme dans cette architecture qu’elle leur a inspirée, où le concave et le convexe sont le plein et le délié d’une même écriture ».
Nous ne sommes plus devant un décor mais au plus près de l’âme d’une ville dont Gérard Macé cherche à cerner l’ombre portée. Approche oblique et sensuelle montrant combien l’aventure esthétique du baroque est liée au destin d’hommes dont la personnalité, les hantises et les rêves ont nourri les réalisations. Ainsi, l’ombrageux Borromini qui « fait éprouver à tout ce qu’il touche les limites de la résistance, mais autant que les architraves, les corniches, les cimaises, les frises et les larmiers, c’est son propre corps qu’il pétrit avec une volupté masochiste ». Ainsi, l’intrigant Le Bernin, grand manipulateur d’effet, homme de théâtre et magicien de l’eau et du feu, qui toute sa vie cherchera « le moyen de convertir les atteintes du corps et les inquiétudes de l’âme en une jouissance extasiée, sur une scène où le sourire de l’ange répond à la beauté du diable ». L’ensorcelant Piranese, aussi, et ses enfers souterrains « où frappe avant tout la formidable omission de Dieu ». Tous auront été les artisans d’un fabuleux théâtre sans parole… n’en témoignant pas moins de leurs souffrances et de leurs passions.
Alliant les contraires, nouant la chair au divin dans un jeu complexe de tensions et de déséquilibres, mariant le ciel et la terre, la Rome baroque libère le corps, conforme l’espace aux lignes du désir, pour nous donner à éprouver le vertige d’être, la façon dont désir, destin et deuil ne cessent d’enrouler leurs signes au visible comme aux ombres désancrées de tous les rêves d’assomption.
De Saint Pierre de Rome aux églises de l’Ethiopie chrétienne, du génie baroque à « l’alliance de la beauté et de la foi » qu’incarnent la reine de Saba et le roi Salomon, les ancêtres mythiques du peuple éthiopien, c’est encore et toujours des survivances, des échos, des rimes que quête Gérard Macé. Lui qui, à l’image poétique a ajouté, depuis une dizaine d’années, l’image photographique (cf. La Photographie sans appareil et Mirages et solitudes), a ainsi ramené de ses séjours en Ethiopie la dernière destination de Rimbaud, un très bel ensemble d’impressions. Impressions de voyage, mêlant choses vues et réflexions, culture et émotions. Mais impressions au sens photographique également, à savoir une bonne cinquantaine d’images réparties en deux cahiers « Ethiopie sacrée » et « Ethiopie profane ». Car quand on ne parle aucune des langues locales (l’amharigna ou l’oromo), « on n’a que le regard pour comprendre et admirer » qu’il s’agisse de peintures religieuses ou de ceux qu’on croise, de la foule des fidèles du dimanche ou encore de l’ombrelle ou du bâton, ces deux accessoires inégalement répartis, partout présents, et qui « donnent à chaque silhouette une allure princière, malgré le dénuement et la précarité ». Des photographies en noir et blanc qui donnent souvent envie d’entrer dans l’image mais témoignent avant tout d’un véritable échange et de cette intraduisible beauté faite de présence et d’évidence, de don et d’interdit.

Gérard Macé
Rome ou le firmament
Le Temps qu’il fait
96 pages, 15
Éthiopie, le livre
et l’ombrelle

Le Temps qu’il fait
112 pages, 25

Entre ciel et terre Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°75 , juillet 2006.
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