L’adieu aux rêves est toujours trop long. Celui de Michael se déroule sur cinq mois, le temps de l’été austral 1960-61 et d’un tournoi international de cricket. L’adolescent vit dans une banlieue morne, coincé entre une mère nourrie de fantasmes à la française dont celui des portes-fenêtres, un père amer féru de golf et une grand-mère moribonde. Plutôt que de se cogner la tête contre les murs, il les frappe inlassablement avec sa balle de cricket en liège persuadé d’égaler un jour son héros dans la pratique de ce sport réservé aux membres du Commonwealth. Il serait ingrat d’en vouloir à l’auteur. L’effet d’hermétisme aurait sans doute été le même s’il nous avait décrit les affres d’un champion de pétanque marseillaise. Pour vaincre l’équipe adverse, Michael imagine que « Frank Worrell va devoir apprendre à penser comme pensent les araignées d’eau. S’il commet la moindre erreur, la mince pellicule se dérobera sous ses pieds et il sera englouti ». La même menace semble rôder au-dessus des autres personnages du roman, îlots solitaires qui s’éloignent les uns des autres dans une érosion collective de sentiments et de chimères. Refusant de céder à la couardise des adultes, Michael lutte, cherche, trouve l’amour chez une orpheline avant d’être confronté à la désillusion et à la mort -« L’Hôte distingué » en référence à Henry James. La défaite touche à son tour Worrell sur la pelouse du Grand Stade de Melbourne. Le capitaine est néanmoins soulagé de se débarrasser de sa solitude en offrant sa casquette et son blazer au vainqueur. Dur d’être un champion.
Un long adieu de Steven Carroll
Traduit de l’anglais (Australie) par Philippe Gerval, Phébus, 261 pages. 19,50 €
Domaine étranger Les rebonds d’une vie
octobre 2006 | Le Matricule des Anges n°77
Un livre
Les rebonds d’une vie
Le Matricule des Anges n°77
, octobre 2006.