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Domaine français Terres vaines

octobre 2006 | Le Matricule des Anges n°77 | par Benoît Legemble

Dans une France déchirée, un domestique tente de résister aux lubies d’un maître à la dérive. Les tumultes de l’Ouest peints par un François Vallejo inspiré.

Le lieu : l’Ouest et ses terres de révoltes. Plus précisément : le château des Perrières, dont a hérité monsieur de l’Aubépine fils après la mort de son père. L’Ancien, lui, était un fier-à-bras, « meneur de chouans depuis la Révolution jusqu’aux dernières chouanneries du Maine, en 1831 ; un homme énergique », « une figure de son milieu », c’est-à-dire l’inverse du rejeton chétif. Alors il l’a caché pendant plus de vingt ans, l’a humilié, le faisant passer aux yeux de tous pour un mélancolique né à la nature fragile, incapable de prendre la moindre décision et de faire preuve d’autorité. Bref, l’opposé des qualités requises pour prendre sa succession à la tête du domaine. Une fois débarrassé de l’étouffant aïeul, le canard boiteux de la famille tente donc de « tuer le père » comme il peut. Il commence par marquer sa différence politique : prenant possession des lieux, le fils affiche ses divergences avec « son écraseur ». Aussi apparaît-il véritablement obnubilé par l’avènement de la République. Logiquement, il remerciera le personnel qui durant des années a assisté aux moqueries du maître envers sa descendance. Seuls Lambert et sa famille resteront. Lambert, c’est le garde-chasse. Le baron le garde uniquement pour son caractère altier et son extraordinaire attachement à la maison. Et puis il faut quelqu’un pour entretenir le domaine pendant ses incursions dans la capitale pour faire tomber le régime de Napoléon III. Le garde-chasse et sa femme Eugénie tout à la fois cuisinière et femme de ménage comprennent de moins en moins l’attitude du drôle. Il lui arrive ainsi de partir pendant des mois sans leur donner le moindre sou, pas plus qu’il ne laisse d’indications sur la date de son retour. Alors ils s’accommodent tant bien que mal de la situation, vivent du gibier attrapé à la chasse. Mais avec les enfants, la situation devient difficile. Sans parler des dettes qui s’accumulent auprès des commerçants et des rumeurs qui vont bientôt se répandre dans le village. Et lorsqu’il finit par rentrer, le baron fait comme si de rien n’était. Souvent, il s’enferme pendant des heures dans sa chambre ou dans la bibliothèque. Il en ressort en transe, convaincu de la destitution prochaine de celui que Victor Hugo appelle « Napoléon le petit ». Depuis quelque temps justement, entrer en contact avec l’écrivain exilé devient une fixation chez lui. Pour l’accompagner dans son voyage, il veut Magdeleine, la fille de Lambert. Mais ce dernier refuse, car il connaît les manies du maître. En effet, il entend souvent les cris des femmes ramenées en pleine nuit par le baron. Il les voit repartir l’œil défait au petit matin, voit monsieur de l’Aubépine s’extasier devant les monticules de rubans déchirés qu’il a réussi à extirper à ses victimes. De même, personne ne sait ce qu’est devenue mademoiselle Berthe François, cette Parisienne que le maître fréquenta un temps avant de lui interdire de quitter le château. Elle aussi subissait ses assauts. Et puis un jour, elle a disparu. Depuis, le maître rôde dangereusement autour de Magdeleine, extasié devant la beauté diaphane de la jeune fille. Mais que peut faire Lambert pour protéger sa fille ? C’est qu’on n’a pas l’habitude de discuter l’ordre du maître. Pourtant, celui-ci n’a pas l’air bien juste. S’il y a quelque chose de pourri au royaume d’Elseneur ? À coup sûr, oui.
D’une inventivité remarquable, cette fiction rappelle les peintures de mœurs balzaciennes. Quant à sa filiation affichée avec Sophocle, elle doit certainement résider dans son don de la tragédie. Ouest en a la violence et la mécanique implacable. Chaque pas accompli par Lambert pour changer le cours des choses rappelle l’issue funeste à laquelle est voué le domaine comme les terres marécageuses dans lesquelles s’enfoncent les personnages jusqu’à la disparition. Le roman de Vallejo s’impose ainsi en fresque diabolique à la psychologie fouillée. Le roman qu’il faut pour réchapper à la torpeur automnale.

Ouest
François Vallejo
Viviane Hamy
281 pages, 18,50

Terres vaines Par Benoît Legemble
Le Matricule des Anges n°77 , octobre 2006.
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