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Entendu à la radio Voix

novembre 2006 | Le Matricule des Anges n°78 | par Antoine Emaz

L’expressivité d’une voix. Cela tient à quoi ? Sans doute à un mélange de prise de son et de vibration juste. Presque la détresse d’une vie dans cet enregistrement d’un Karaoké : « Adieu jolie Candy/tu m’écriras/mais on dit toujours ça… »La voix n’était pas juste ; elle cherchait moins à imiter celle de la vedette qu’à prendre appui sur cette musique et ces paroles nulles, pour exister un peu. Cette peine qu’on entend, mais moins brute, malgré tout plus savante, chez les meilleurs chanteurs ou chanteuses de blues.

Le Chanteur de Mexico, au Châtelet. Une vague de passé vague, pourquoi pas ? Mais dans l’air du rossignol, un contact se fait avec l’air dans Roméo et Juliette de Berlioz. Est-ce seulement le nom de l’oiseau, ou bien l’harmonie et les trilles ? Je ne suis pas assez musicien, mais l’oreille entend un sous-entendu, si je puis dire. Drôle d’impression d’avatar, sans pouvoir certifier.

Black and blue sur les dernières sessions de Bill Evans et le dernier livre de Bruno Krebs à ce propos. Magnifique Your story, du 4 septembre 1980. On entend ce que Keith Jarrett lui doit, mais chez Evans, une amplitude et une violence profonde beaucoup plus forte. Palette complète du piano. Bruno Krebs a très bien vu cet aspect désespéré de la profondeur dans cette musique moins chaotique qu’expérimentale autant qu’enracinée, se reliant et cassant, « facile » et béante, virtuose et bancale. Il s’appuie sur le piano et il le troue, en même temps.

« Si j’avais à choisir entre un baiser et un coup de poing, je choisirais le baiser. Si j’avais à choisir entre un coup de poing et rien, je choisirais le coup de poing. » Logique d’un auteur américain, Jonathan Safran Foer, face au mauvais accueil (tout est relatif) par la critique de son deuxième live, alors que le premier avait été encensé. Il ne dit pas cela dans une logique de bruit publicitaire, il s’en explique, mais par nécessité pour lui de vérifier que le livre crée une réaction. Irriter ou plaire, c’est de même ; il y a impact. Qu’un livre vous laisse inerte, avec la seule envie de le refermer, c’est mauvais signe. Si vous le jetez de colère par la fenêtre, vous irez peut-être le rechercher le lendemain dans les roses ou les radis, pour analyser le choc.

Tôt le matin, L’université de tous les savoirs, émission de Christine Goémé, retransmet des cours du Collège de France. Ces derniers jours, étude du génocide rwandais. Ce qui me frappe, c’est le ton de l’historien : il reste à distance, expose des faits, se réfère à des ouvrages autorisés, renvoie à ses précédents travaux, cite des collègues… exactement comme son prédécesseur, la semaine dernière, procédait à propos de l’épigraphie grecque et plus précisément de Thèbes au IVe siècle av. JC. Le ton maintenu, celui de l’analyse objective, est nécessaire, idem pour le médecin exposant l’autre jour le cas d’un de ses patients en fin de vie. Ce n’en est pas moins glaçant.

Culture d’Islam.Une nouvelle fois, cette émission d’A. Meddeb me frappe par sa profondeur, sa liberté de ton, sa défense intransigeante de l’histoire et de l’intelligence. Bien sûr, c’est lent, poli, savant… mais quelle lucide analyse de la crise intellectuelle qui sous-tend les dérives « spectaculaires-meurtrières » qui passent aux journaux du soir. Et quelle confiance justifiée dans la richesse d’une culture/religion pour se réguler d’elle-même, à partir de ses propres sources ! Qu’une radio publique donne la voix à l’étude, de même dans l’émission de V. Malka le dimanche matin, c’est croire au temps et à l’intelligence de l’auditeur. Il faut admettre la nécessité de la lenteur et donner à entendre la parole de ceux qui vivent dans cet approfondissement : je repense à l’entretien V. Malka/C. Vigée, la semaine dernière.

Morellet. 80 ans. Son humour. Je ne voyais pas le côté « gaulois » de cette œuvre. Je voyais son travail comme neutre, froid, et je découvre un blagueur irrépressible. Par exemple, son idée de reprendre des œuvres minimalistes de 1952 en multipliant leurs dimensions par quatre, et intituler le tout : « Quand j’étais petit, je ne faisais pas grand ». Pour prouver que maintenant « ça marche bien » : « y’a même des gens qui m’achètent alors qu’ils n’aiment pas ça ». Le journaliste a une bonne expression : « rigoureux et rigolard ». Il laisse passer, mais reprend un peu plus tard dans l’entretien : « Dans le créneau rigoureux/rigolard, on n’est pas nombreux. Y’a pas beaucoup de public, mais on est peinard. » Côté sérieux, sa réflexion sur la sérialité chez Monet, pour son expo « Démonétisation »… Je découvre aussi son lien avec l’Oulipo, l’importance du verbe, du titre chez lui, comme chez Klee. Je ne connaissais pas du tout sa biographie, seulement des œuvres, d’où ma surprise d’apprendre qu’il a été chef d’entreprise jusqu’à sa retraite en 1970 : « Quand on habite le Maine-et-Loire et qu’on fabrique des voitures d’enfant et qu’il faut les vendre…. Mais ça m’a permis d’être radical dans mon travail et de donner à manger aux enfants. Jusqu’en 1954, j’avais vendu trois œuvres… » Humour, humilité, humanité… Cela ne change rien à l’œuvre, bien sûr, mais l’angle de vue, oui, a bougé.

Meurtre de la journaliste russe Anna Politkovskaïa. Opposante, spécialiste critique de la politique russe en Tchétchénie, 43 ans ; 4 balles. Les politiques se taisent ou presque. Est-ce à ce prix que l’on a du gaz en Europe ?

Voix Par Antoine Emaz
Le Matricule des Anges n°78 , novembre 2006.
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