Ces Six tragédies miniatures sont inspirées de faits divers. Jean-Paul Wenzel (auteur d’une douzaine de pièces dont Loin d’Hagondange, co-directeur du Centre Dramatique National de Montluçon pendant presque vingt ans) a cherché à mettre en mots ce fracassement de l’humain : « Ce qui m’intéresse c’est ce qu’on peut percevoir comme secousses infimes, à peine visibles, comme craquements minuscules de la croûte humaine, annonciateurs de cataclysmes, d’actes telluriques, de meurtres. Ecrire (…) ce temps suspendu, ce vertige, où le moindre dérèglement va faire basculer en un éclair, la raison et la normalité. » L’auteur précise que sa démarche n’est ni documentaire, ni sociologique mais centrée sur l’intime. Et de nos jours où les faits divers sont exploités à seul but de promouvoir un discours sécuritaire, ça fait du bien de changer de point de vue, de chercher à cerner ce presque rien qui provoque le dérapage et que chacun de nous puisse le reconnaître.
Jean-Paul Wenzel tourne autour de la tragédie, une mère qui tue ses enfants, un père de famille qui braque une banque, deux amoureux qui vont tuer un jeune homme que la fille a séduit… Le passage à l’acte est seulement évoqué, il n’est pas le centre de l’écriture, l’auteur dit ce point de tension qui grandit jusqu’à la rupture. On retiendra particulièrement les séquences dialoguées plutôt que les monologues… Jean-Paul Wenzel écrit avec une grande économie de mots, comme si justement cette impossibilité à dire était l’un des facteurs du drame. Il met en jeu un sentiment d’irréalité, chaque protagoniste semblant déconnecté de l’acte, n’en percevant plus la gravité. « Partons. Avant que tout ne redevienne vrai », diront deux jeunes assassins après avoir commis leur meurtre dans « L’Ordre de Maya ». Une écriture très pudique en fin de compte, puisque Jean-Paul Wenzel ne tombe pas dans le pathos ou la complaisance dans sa façon de cerner le désarroi et de scruter les désordres intimes.
Six tragédies miniatures de Jean-Paul Wenzel
Les Solitaires intempestifs, 90 pages, 10 €
Théâtre Désordres intimes
mars 2007 | Le Matricule des Anges n°81
| par
Laurence Cazaux
Un livre
Désordres intimes
Par
Laurence Cazaux
Le Matricule des Anges n°81
, mars 2007.