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Domaine français Une pelote pour papa

mai 2007 | Le Matricule des Anges n°83 | par Thierry Guichard

Dans une ivresse d’écriture qui met K.O., Christian Prigent dresse le portrait d’un homme du siècle : son père. Et dévide une boule d’angoisse pour tisser un hommage émouvant à un homme mourant. C’est beau, drôle et revigorant.

Demain je meurs

Après Une phrase pour ma mère et Grand-mère Quéquette, Christian Prigent poursuit sa galerie de portraits de famille et dans sa famille appelle le père. Si, dans le premier opus cité, l’on glissait en saut du lit dans les matières rebondies de la mère, si l’on se dandinait objectif lunettes de WC au début de l’ode à la grand-mère, c’est en danseuse qu’on s’engage sur l’hommage au père. En danseuse, mais pas en tutu. Plutôt en cocotte, c’est-à-dire les pouces glissés par-dessus les commandes de frein et debout sur les pédales. Même les bons lecteurs auront intérêt à prendre ici un petit développement. C’est pas tant que ça grimpe dans la Bretagne natale de l’auteur, c’est plutôt que les virages sont serrés et que le bonhomme relance fissa en sortie de chaque phrase. Du coup, ça dérape pas mal du côté de la syntaxe, mais exactement comme on aime, c’est-à-dire avec des surprises qui laissent bouche bée, des inattendus au détour des virgules, des allitérations comme autant de petits drapeaux agités sur le chemin que suit le récit. Donc le père est à l’agonie, le fils à vélo se souvient et comme il a l’âme d’un peintre, il plante toujours le décor : « Dehors c’est air vif, petits friselis de frisquet en fond, rose et bleu en franges dans l’estompe des gris. C’est bon, c’est épatant. »
On déroule alors des morceaux de chronologie avec de l’héroïsme militant tendance coco (là, il faut mettre du rouge aux drapeaux). Le père fut élu. D’abord par l’Éducation nationale qui vit dans le bon élève que le pauvre était, de quoi illustrer les valeurs républicaines. Ensuite par ses administrés qui le firent adjoint au maire de Saint-Brieuc. C’est pas nada ! Premier de la famille à suivre des études, il craint de rompre avec le bas peuple d’où il est issu. Se forge des armes avec des livres, apprend pour enseigner ensuite aux enfants des siens et à son fils aussi, qui nous raconte ça. Ça pourrait être Pagnol en version gallo, mais Christian Prigent n’est pas amateur de chromo. Son goût pour le mouvement Support/Surface lui fait penser qu’il n’y a pas d’histoire possible sans une langue qui ne serait pas aussi le support de ce qu’elle dit. D’où matière, opacité, enquêtes multiples du lecteur qui cherche une piste perdue, bonheur d’être perdu, joie de se retrouver, accélération, du coup, de la lecture, dérapage plus ou moins bien contrôlé. C’est qu’il n’est pas facile, ici, à suivre, l’auteur. La course est nerveuse : il s’agit d’échapper à quelque chose qui empêche de s’aérer les poumons : pas un nénuphar, plutôt une boule d’angoisse et d’émotion que le diable nous refile comme si c’était de l’EPO. De l’émotion, ce roman en est plein, malgré tout ce que l’auteur fait pour la retenir. Primo, il use des bouts rimés pour dire l’Histoire, version, toujours, communiste et héroïque : ainsi des protestations et manifestations pour empêcher les trains militaires d’apporter en Indochine de quoi écraser les Jaunes : « Onze Mai, même année : le train d’onze heures sept,/ Numéro six mille cinq cent quatre-vingt-huit,/ Arrivait de Guingamp sans tambours ni trompettes,/ Bourré de chars d’assaut et canons en transit// Vers Paris pour livrer le matos aux biffins./ À Saint-Brieuc, c’était étape pour ce train./ Il devait repartir une heure ou deux après./ Il ne repartit pas, en tout cas pas à point. » L’épopée est racontée en vers, ça met une distance drôle dans un moment qui ne l’est pas. Deuxio, l’auteur agrémente sa narration de perles si rares qu’il n’y aurait pas même un commentateur sportif pour en sortir de similaires. La preuve : « Les enfants, ça naît souvent en bas âge, ailleurs comme ici. » Le genre de phrase qui vous déguise une larme d’émotion en trace de rire aux coins des yeux. Tertio, le romancier en passe par les langues qu’il parle (et qui sont nombreuses), un sabir qui emprunte toute l’histoire littéraire, fait son ravitaillement dans les chaumières indigènes, sprinte dans les manifs CGT, PC et s’expatrie fissa vers la RDA. C’est dire qu’on voyage : ce n’est plus seulement l’ascension du Mont-Dol et du Méné Bré qu’on fait. C’est quasi le Tour du siècle. Et le pire, c’est qu’on n’est même pas pressé d’arriver au terme de la dernière étape. Sinon, pour refaire la route

Demain je meurs de Christian Prigent, P.O.L, 378 pages, 19,50

Une pelote pour papa Par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°83 , mai 2007.
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