Bernat Manciet (1923-2005) possédait à l’instar de tout Gascon, une grande force d’être ainsi qu’une fabuleuse puissance d’écriture. Occitan et polygraphe, il écrivit des romans (Le Jeune Homme de novembre), des pièces de théâtre, des essais géopoétiques (Le Triangle des Landes). Mais c’est par la poésie qu’il développa le mieux son art d’écrire. Il propulsait ses poèmes épiques avec l’intensité d’une immense turbine océane. Dans L’Enterrement à Sabres (Mollat, 1996, rééd.), il faisait défiler et venir du fin fond des âges tout son peuple des Landes. Lo Brèc/La Blanche Nef, son testament poétique, sonde l’Océan et plus particulièrement le golfe de Gascogne. Une flotte mystérieuse et fortement mystique se lève au large de Saint-Jacques de Compostelle, dirigée par Memnon sur son navire amiral Lo Brèc/L’églantine. « Par septantes voiles/ et transparences qui vont/ Comme les maïs secs frémissants/ Les pleines lunes fragiles des âmes/ bourrasques/ Leur beau vent ou lacs/ ils inondent la mer. » Elle va combattre de Vigo (Galice) à l’estuaire de la Gironde. Puis plus au large affrontera les Tours maléfiques faites de verre et d’acier qui absorbent la lumière. « Elles repoussent le soleil/ Etant soleils de mensonge », plongeant le monde dans l’obscurité et la misère « arithmétique », avant d’aller au Nord quérir l’ambre. Avec cette dernière œuvre longuement élaborée, Bernat Manciet dénonce la folie du monde, l’arrogance des puissants et le silence des peuples. Le soleil dans les yeux, lui le très croyant, dans sa fougue, son lyrisme interpelle un dieu qui toujours renaît du silence. « C’est maintenant la mer qui s’adresse/ A celui qui se revêt de parole »est-ce toi/ Le dieu surgi du silence ?/ Parle parle parle que je contemple ta voix/ Que nous sachions si tu aimes Toi chant qui es la chair des dieux« » Immense et impétueux comme l’Océan.
Lo brèc/La blanche nef de Bernat Manciet
Edicions Reclams, 347 pages, 25 €
Poésie Chair de soleil
juin 2007 | Le Matricule des Anges n°84
| par
Dominique Aussenac
Un livre
Chair de soleil
Par
Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°84
, juin 2007.