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Domaine étranger Variations coréennes

juillet 2007 | Le Matricule des Anges n°85 | par Dominique Aussenac

À partir d’un chant traditionnel et en cinq facettes, Yi Ch’ongjun délivre un hymne à son pays. Douloureux, initiatique, sublime.

Chaque pays possède une région, une province, délaissée par le pouvoir central, raillée, stigmatisée pour ses pratiques archaïques. Bref, chaque nation a son lot de bouseux. On les situe souvent au sud, allez savoir pourquoi ? En Corée, la province du Chôlla se positionne à l’extrême sud-ouest. Pendant des siècles, ses habitants prompts aux jacqueries ont été exclus des fonctions d’Etat. Grenier à riz, elle est aussi le berceau d’un chant traditionnel qui remonte du fin fond des temps. Des temps, où des femmes chamanes, pendant de longues heures, improvisaient en se rapprochant le plus près possible du sanglot, pendant que leurs maris les accompagnaient au tambour. Véritables trobaritzs, traduisez par troubadours féminins, elles se déplaçaient de village en village, vivant d’aumônes. Leurs récitals pouvaient être accompagnés de jongleries ou autres acrobaties. Leur chant, le p’ansori était empreint du han, un état, une émotion proprement coréens que Patrick Maurus, dans l’éminente postface au recueil qualifie de « « Ressentiment », mais sans nécessairement le sens de « rancœur ». « Ressentiment » est une bonne traduction, si l’on n’oublie pas que le mot contient en français « ressentir » et « sentiment ». » L’origine de ce han pourrait remonter à des pratiques où géomancie, bouddhisme, métaphysique, nostalgie des origines apparaissent comme intrinsèquement mêlés. Des pratiques qui permettaient de résoudre les problèmes des vivants, en les liant aux perturbations provoquées par les âmes de morts n’ayant pas trouvé la paix. La chamane jouait un rôle d’interface entre les deux mondes. Ces chants aux rythmes lents, aux refrains répétés jusqu’à la transe, mêlés de contes, de prises de paroles, d’anecdotes, Yi Ch’ongjun né en 1939, dans la fameuse province du Chôlla, a voulu en retrouver les formes dans l’élaboration de ce qu’on pourrait considérer comme des nouvelles, miroir à cinq faces qui renvoient plus ou moins différemment la même image.
Il a choisi un thème récurrent. Une femme qui a eu un garçon, perd son mari et refait sa vie avec un chanteur itinérant. Elle a avec lui un autre enfant, une fille, mais décède en la mettant au monde. Le chanteur initie les deux enfants aux mystères du chant. À l’adolescence, le garçon pris de pulsions œdipiennes essaie de tuer son beau-père, puis s’enfuit. Sous prétexte de lui permettre d’atteindre le sublime au niveau du chant, le père aveugle sa fille. En fait, il ne peut concevoir l’idée d’une séparation. À travers les cinq facettes de cette histoire, nous retrouverons le garçon à la recherche de sa demi-sœur. « Quelques années auparavant, l’homme avait écouté chanter une femme toute la nuit dans une taverne du village de Pôsong, et il lui avait raconté son enfance, et une histoire regrettée à propos d’un morceau de soleil de son destin. »
Poétique, l’écriture de Yi Ch’ongjun ne flirte jamais avec le sentimentalisme, ni l’exhortation d’un quelconque nationalisme. Ses descriptions de paysages épousent les techniques des estampes extrême-orientales, épurées, finement contrastées, légèrement rehaussées d’ors et de lumières. « Loin sur la gauche, on dominait les villages du canton, et sur la droite un cimetière public en pente raide dont les tombes étaient dispersées jusqu’au chemin qui se glissait à l’intérieur. Les villageois l’appelaient généralement le col du Chant. La petite taverne à l’entrée du chemin du cimetière public, couverte d’une poussière qui lui donnait l’air d’une coquille renversée, tout le monde l’appelait donc la taverne du col du Chant. » Auteur de romans et de nouvelles, Yi Ch’ongjun a écrit ces cinq textes de 1976 à 1981, le dernier La Renaissance du Verbe inclut bien évidemment le thème cité plus haut, et nous mène jusqu’à un éditeur qui a révélé un écrivain solitaire spécialisé dans la cérémonie du thé. Nous n’apprendrons pas grand-chose sur les mystères liés à cette boisson, mais énormément sur le pardon. Un bonheur de lecture.

Les Gens
du sud

Yi Ch’ongjun
Traduit du coréen par Kim Jung-Sook, Arnaud Montigny, Yang Jung-Hee, Ch’oe Yun, Patrick Maurus
Actes Sud
160 pages, 18,50

Variations coréennes Par Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°85 , juillet 2007.
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