La vertu inattendue des grands ébranlements est double. Dans le désarroi qui leur succède, les certitudes à la racine des projets n’ont plus court. Avoir frôlé la mort exalte aussi les tentations hédonistes immédiates. Sur ce postulat, et en travaillant ses paradoxes sous-jacents, Stephen McCauley traque les indices des retournements de vie de l’après-11 septembre sur la côte Est des États-Unis, dans un roman obsessionnel fourmillant de détails et personnages humoristiques.
William Collins, agent immobilier homosexuel et célibataire, affligé d’un trouble compulsif du ménage mais incapable d’affronter sa locataire débitrice, trouvait plaisir aux rencontres d’une nuit piochées sur Internet. Depuis que la vue « des avions se dirigeant vers les gratte-ciel de la ville (lui) donnait des sueurs froides », il a fait vœu de chasteté - sans grand succès. « Sur le chemin du retour, je me dis que mon idée de chasteté était décidément la bonne. Et puisque je commençais demain, et que demain était un autre jour, autant profiter de ma dernière heure de débauche. » Pusillanime, égocentrique, velléitaire, il cherche à percer les contours de ce désir d’ailleurs - et en comprendre les échecs répétés - aiguillonné par le couple étrange de ses nouveaux clients et le prochain départ de son ami Edward.
La trame offre certes un dénouement annoncé, mais Sexe et dépendances, porté par son narrateur et sa capacité à retourner le narcissisme comme un gant de vaisselle percé qui prend l’eau, ouvre un moment pour savourer le présent dans sa simplicité, et rire de nos atermoiements.
Sexe et dépendances de Stephen McCauley
Traduit de l’américain par Françoise Jaouën
10/18, 344 pages, 7,80 €
Poches No sex tomorrow
janvier 2008 | Le Matricule des Anges n°89
| par
Lucie Clair
Un livre
No sex tomorrow
Par
Lucie Clair
Le Matricule des Anges n°89
, janvier 2008.