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Histoire littéraire Visages vert sombre

janvier 2008 | Le Matricule des Anges n°89 | par Etienne Leterrier-Grimal

Les éditions Elisabeth Brunet publient deux recueils de nouvelles d’auteurs irlandais du début du XXe siècle, âpres et poétiques.

Barbara la Rousse

et autres contes vert sombre
Editions Élisabeth Brunet

À l’exception peut-être de Liam O’Flaherty (1896-1984), natif de l’île d’Inishmore, et dont le roman le plus connu, Le Mouchard a été adapté en 1935 par un autre amoureux des Îles d’Aran, John Ford, les auteurs présentés et traduits par Patrick Reumaux dans ces deux recueils sont relativement peu connus en France. S’ils ne sont pas les plus éminents représentants de l’Irish Renaissance, Liam O’Flaherty, Mary Lavin et Daniel Corkery partagent en revanche un caractère qui les rapproche du renouveau littéraire irlandais des débuts du XXe siècle façonné en opposition à l’hégémonie anglaise. Délaissant le folklore et les légendes irlandaises, fer de lance du renouveau culturel pour Yeats, ils se tournent vers la peinture d’une Irlande réelle, pauvre et rurale, dévastée par la famine, les conflits, et les conditions de vie misérables.
Sous la forme de petits contes naturalistes, faits d’une prose brute et dépouillée, Liam O’Flaherty raconte le pays dont il n’a jamais cessé de vouloir dire la douleur et la beauté. Des bas-fonds de Dublin où rôde Ladigan le Loup au lac aux eaux dormantes où viennent se jeter les filles mères, l’Irlande d’O’Flaherty est celle où sévissent la misère et l’ostracisme du qu’en-dira-t-on, celle des vices dissimulés, des jalousies villageoises et de la cruauté du notable ou du prêtre. Celle aussi de la mort, qui survient quand on ne l’attend pas. L’Irlande d’O’Flaherty est celle d’un peuple à l’image de sa patrie, pays minéral de mousses vertes et de tourbes noires, où la mer rageuse avale depuis toujours les fils et les maris.
Dans l’une de ces nouvelles justement, deux pêcheurs, Tadg Mor et Tadg Beag, retrouvent lors d’une sortie nocturne en mer le cadavre d’un de leurs compagnons, et, le rapportant sur la plage, décident d’en avertir sa jeune femme. Mais celle-ci est absente. Une voisine leur apprend qu’elle se trouvait elle aussi sur la barque de son mari et qu’elle s’est donc probablement noyée avec lui. À leur retour sur la plage, le corps a disparu, retourné aux flots, à la « tombe verte ». Parmi les nouvelles du recueil Trois morts salées, celle-ci mérite sans doute une attention particulière. Publiée en 1940, Tombe verte tombe noire de Mary Lavin allie la sobriété d’un style empreint de réalisme à une puissance symbolique remarquable. Cette « tombe verte », ce sont ces eaux écailleuses et froides où dorment les marins morts en mer, et qui s’oppose à la « tombe noire » des sépultures terrestres, à l’argile stable et rassurant. En créant un univers dont la simplicité s’organise en de tels contrastes poétiques violents, au travers d’un récit d’une sobriété étonnante, Mary Lavin atteint une somptueuse densité de l’écriture, presque entièrement portée par les mots et le regard de ces deux pêcheurs. Certes ils parlent peu, et en mots simples ; pourtant leurs paroles, comme de chant en contre-chant, racontent tour à tour la rudesse d’une vie perpétuellement suspendue, sur la mer, entre la vie et la mort, se lamentent sur la peine à causer à la jeune veuve, ou encore égrènent les noms des marins disparus, en une litanie toujours recommencée.
Le sujet se prêterait volontiers à un naturalisme comme celui de Liam O’Flaherty ; Mary Levin en fait un récit transfiguré par une prose poétique qui, quoique sobre et économe de moyens, à l’instar de l’humanité qu’elle dépeint, devient en même temps charnelle, imagée, biblique. Multipliant les images étranges et parfois fantastiques, elle s’en remet à leur pouvoir, se confie à leur rythme : quand un pêcheur meurt, « quand la femme des terres met son visage dans l’oreiller de plumes (…) cet oreiller est comme les coquillages que les enfants se collent à l’oreille, cet oreiller a en lui les tristes voix pleureuses de la mer ». La découverte de ce texte justifie à elle seule que l’on se penche sur ces nouvelles irlandaises, où l’on voit parfois apparaître à travers une beauté austère, la poésie, la force et la pureté du mythe.

Barbara
la Rousse

et autres contes
vert sombre

Liam O’Flaherty
Trois morts
salées

Liam O’Flaherty Mary Lavin
Daniel Corkery
Traduits de l’anglais (Irlande) par Patrick Reumaux
Éditions Elisabeth Brunet
48 et 70 pages, 12,60 et 14,20

Visages vert sombre Par Etienne Leterrier-Grimal
Le Matricule des Anges n°89 , janvier 2008.
LMDA PDF n°89
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