De la France à l’Espagne, de Lisbonne à Porto Rico, Juana Salabert évoque la quête d’un enfant du silence. Herschel, à qui l’on a caché l’histoire de sa famille juive déportée en 1942, part en quête de ce passé à la mort de sa mère. Avec pour seul secours un manuscrit et quelques noms, il se lance sur les routes où il espère trouver des réponses à ses questions. Le roman de Juana Salabert commence en juillet 1942, à Paris, lorsque des dizaines de cars, encadrés par la police, emmènent de force les juifs de la ville au Vél d’Hiv. Le défi littéraire est de taille. Pour dire l’horreur. Or, les premières pages de Vélodrome d’hiver multiplient les formulations convenues. On tombe ainsi sur les « regards menaçants de la police française », l’expression « voyage en enfer » ou encore un Hitler « aux petites moustaches ridicules et aux discours terrifiants ». Heureusement, la suite du roman emprunte une route plus exigeante. Juana Salabert ne se contente plus de décrire la déportation, elle l’inscrit dans l’histoire juive, en particulier des juifs séfarades. Sans surenchère, elle remonte les siècles pour souligner le destin d’une population sans cesse persécutée et contrainte de fuir. Elle relie un destin familial à l’histoire d’un peuple et confronte « le face-à-face des mots qui ouvrent les énigmes des vies mortes ». Elle pose la question des survivants, des résistants, des convertis et de ceux qui, n’ayant pas vécu la guerre, portent le poids d’un mystère que parfois on leur cache. Une volonté de les préserver bien illusoire car « les miroirs déformants de la douleur ne mentent jamais ».
Le Vélodrome d’hiver de Juana SalabertTraduit de l’espagnol par Nelly Lhermillier, Buchet Chastel, 267 pages, 19 €
Domaine étranger Le roman d’une quête
février 2008 | Le Matricule des Anges n°90
| par
Franck Mannoni
Un livre
Le roman d’une quête
Par
Franck Mannoni
Le Matricule des Anges n°90
, février 2008.