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Domaine étranger Dans la même réserve

février 2008 | Le Matricule des Anges n°90 | par Dominique Aussenac

En seize nouvelles ciselées, évoquant l’exil intérieur, l’écrivain d’origine serbe David Albahari parvient à frôler l’envers du décor.

Hitler à Chicago

L’indien peut être mobile, apparaître, disparaître, sortir du champ de vision du narrateur, vendre de l’herbe ou rester irrémédiablement totémique, en habit de cérémonie, plumes, perles, sous la tempête de neige et ceci pendant des heures. Est-il dangereux ? Agit-il par provocation ? Est-ce toujours le même indien ? Est-il réel ou sorti d’une bande dessinée des années 60, type Blek le Rock, ? Le pope s’interroge, doute, se perd en réflexions théologiques. Et le narrateur, de nouvelle en nouvelle, est-ce toujours le même Serbe ? Peut-être pas toujours le même indien, peut-être pas toujours le même Serbe, mais en tout cas un Serbe en exil, à la solitude extrême, avec parfois sa moitié, qui lui tend un miroir. « Je me dis parfois, a dit ma femme, que toutes tes histoires qui parlent de langage et de mots ne sont qu’une manière de vengeance : tu ne les amasses et ne les alignes que pour démontrer que malgré leur abondance elles ne signifient rien, qu’elles sont du vide dans un océan de vide », affirme-t-elle dans Lolita, Lolita. Nouvelle qui ouvre le recueil, dans laquelle le narrateur poursuivi en rêve par une petite fille, se demande si en plus d’être émigré, il ne serait pas aussi pédophile. Les textes parlent ici d’exil, de froid, de peaux qui se touchent, de mains qui se frôlent, de rencontres improbables entre émigrés serbes, leur pope et cet indien étrange, qui ressort des histoires abracadabrantes, racontant des origines, qui font vaciller l’auditoire. David Albahari écrit comme un joueur de pelote basque. Il envoie la balle contre le mur, cible, se décentre, tire au plus près, s’éloigne, revient, s’immobilise pour regarder un double fantomatique jouer. Son extrême mobilité apporte une plasticité à ce mur, ce fronton, le réel, qui du coup devient supportable.
Cette écriture intimiste, humble, mâtinée d’un humour discret, s’interroge en permanence sur sa propre existence, amène le trouble, introduit des imaginaires, un fantastique singulier, une dimension lunaire poétique proche de celle d’un Sam Shepard. Dans « Sous la lumière d’une lune d’argent », David, pris dans des dédales administratifs afin de justifier un statut social, se remémore les paroles de sa génitrice. « Il y a toujours un moyen simple de savoir si un endroit peut vraiment devenir un foyer, disait ma mère. Achète une plante en pot, et essaye de la maintenir en vie. Si tu y arrives, tu peux aussi acheter un chat. Si tu n’y arrives pas, il n’y a ni meubles ni cheminée qui pourraient te réchauffer le cœur ; mais attention, disait-elle, chacun a sa plante, chacun doit cultiver sa propre fleur. » Il choisit un cyclamen. « Jadis, adolescent, je croyais que les choses se réalisaient si l’on pensait assez longtemps à elles. C’est ce que j’ai essayé de dire au cyclamen. Je ne lui ai pas dit que je savais désormais : que les choses se réalisent indépendamment de notre volonté, peut-être selon la volonté de quelqu’un d’autre, mais pas selon la nôtre. Nous ne sommes que des témoins de notre vie. » Le cyclamen meurt en peu de temps… La nouvelle éponyme évoque la rencontre du narrateur qui, apeuré dans un avion, choisit comme anti-stress la lecture d’Isaac Bashevis Singer « Les formes littéraires plus classiques, comme celle de Singer me calmaient, m’enveloppaient dans leur apparente réalité et me faisaient oublier où je me trouvais. » Une vieille femme l’aborde, raconte sa nuit avec l’écrivain qui dans un texte évoque sa vision d’Hitler dans le centre de New York. Elle affirme l’avoir inspiré en lui décrivant sa propre rencontre d’Hitler à Chicago. À la question du narrateur, « Avez-vous vraiment vu Hitler à Chicago ? » Elle répond : « Tout un chacun doit avoir vu Hitler une fois dans sa vie (…). Il n’est pas nécessaire pour cela d’aller à Chicago. » On peut voyager tranquille avec David Albahari.

Hitler à Chicago
David Albahari
Traduit du serbe
par Godjko Lukic
Les Allusifs
210 pages, 18

Dans la même réserve Par Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°90 , février 2008.
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