J’ai une vie banale », s’excuse-t-elle, en servant du pain d’épice à son hôte. Et énumère, dans un grand sourire : « J’aime boire du thé, j’aime danser, j’aime conduire. Et si je ne vivais pas à Paris, je m’occuperais d’un jardin. » Elle vient d’ailleurs de rempoter deux baobabs qui verdissent son balcon. Laurence Teper est une femme attachante, d’un naturel assez désarmant, derrière lequel se cache un esprit « pragmatique » et obstiné. La jeune éditrice ajoute : « En revanche, il y a une chose que je déteste : le sentiment de la légitimité innée ».
Si Laurence Teper est née à Paris en 1963, c’est en banlieue, à Sèvres, qu’elle vécut. « Je suis originaire d’un milieu de parvenus. À l’époque, à force de travail, on réussissait. » Sa mère codirige un cabinet de courtage d’assurance, son père est photograveur dans un petit atelier du 17e arrondissement, spécialisé dans la presse magazine. « Je lisais Salut les copains avant les autres. Je savais aussi qu’il faisait Playboy. »
Après un parcours sérieux (classes prépas, licence de philo, Sciences-Po), elle se destine à l’ENA. Mais renonce. « Je voulais gagner ma vie. » Elle entre alors comme stagiaire chez Nathan, en 1988, au grand désarroi du bureau Sciences-Po emploi… « Je ne connaissais rien à l’édition, mais j’aimais les livres. Les librairies faisaient partie de mes promenades. Dans la mythologie familiale, on se sauvait par le travail, le savoir et la culture. » Éditrice junior, affectée ensuite aux Ressources humaines, elle devient directrice adjointe du département des manuels scolaires pour le primaire. « Mais à cet âge-là, c’est compliqué de gérer une équipe de cadres. » Changement de cap : elle reprend des études - littéraires. « Ça me manquait. J’ai toujours adoré l’école (elle côtoiera au lycée de Sèvres un certain Martin Hirsch), c’était un endroit de liberté où je pouvais sortir de l’obscurantisme familial. » Puis Capes, agrégation de lettres modernes : elle enseigne le français pendant cinq ans dans un collège en ZEP du Val-d’Oise, avant d’accepter une mission temporaire du ministère : « Je me suis occupée d’une collection d’actes de colloque. Ce fut le déclic. »
Les éditions Laurence Teper naissent donc en juillet 2003. Sous le signe de la méthode. « Je n’aime pas l’improvisation. » Elle présente son projet à des libraires, apprend la mise en page, ouvre un site internet, obtient les faveurs d’un diffuseur : « Je dois une fière chandelle à Hervé de La Martinière que j’avais connu chez Nathan. »
Son catalogue se développera autour de deux pôles : la littérature et les essais. « Au début, j’étais un peu influencée, tempère-t-elle. Je n’osais pas dire non ». Des essais où l’on croise Nerval et Rembrandt, Mozart et Henri Meschonnic (« lui, il me fait penser différemment »). Côté littérature, que ce soit dans le domaine étranger, - allemand et italien (Frantz Innerhofer, Stephan Wackwitz, Giuseppe Conte) -, ou dans le domaine français (Cathie Barreau,...
Éditeur Passé composé
avril 2008 | Le Matricule des Anges n°92
| par
Philippe Savary
Au rythme de six à huit livres par an, Laurence Teper publie des romans, des essais, et maintenant de la poésie, où l’intime se confronte à l’Histoire. Une façon d’éclairer, et de transmettre, ce qui reste dans l’ombre.
Un éditeur