Retro est amoral. Le premier roman d’Olivier Bouillère est même inquiétant. Olivier, architecte, vit en 1998, à Paris. Il partage sa vie avec Alain, un acteur vieillissant, son mentor sexuel depuis l’enfance. Les heures sont remplies par les drogues et les possibilités sexuelles offertes par les corps. Olivier et Alain, c’est un itinéraire halluciné sous les toits ardoisés de Paris. Les appartements, les meubles, les objets ne sont pas indemnes : ils sombrent, aussi. La vacuité est généralisée. Comme une mouche piégée dans la toile du temps, Olivier cherche une ultime échappatoire : remonter le temps. Alors le fugitif y parvient et se retrouve en 1978 : « pour tout recommencer. » Le corps a de nouveau 10 ans mais les mots et le comportement restent ceux d’un trentenaire. Olivier nous plonge dans l’univers d’Amanda Lear. Les premiers singles de la chanteuse servent de décor. Et dans le sillage de la chanteuse, le petit homme, déguisé de manière comique, nous entraîne dans ses premières expériences homosexuelles. Olivier se transforme en jouet sexuel consentant pour adultes. Il collabore à son propre kidnapping par un réseau pédophile, prend du plaisir à l’élaboration de cassettes vidéo pornographiques. On est dérangé par ce garçonnet avide de fellations et de sodomies, on est troublé par ces hommes âgés voraces de caresses d’enfants ; et pourtant, les actes ne sont en rien répugnants puisque acceptés par tous. Les êtres sont impuissants : ils sont aspirés par un désir charnel puissant, lourd, froid et pur. La soif de chair éblouit, écrase, hypnotise, ne laisse que peu de choix. Olivier répète le passé. Retro est limpide. Cette manière apaisée, quasi chirurgicale, de dépecer la morale est envoûtante. On finit par vouloir se faire complice d’une telle attaque.
Retro d’Olivier BouillÈre
P.O.L, 198 pages, 16 €
Domaine français Le désir dictateur
mai 2008 | Le Matricule des Anges n°93
| par
Mohamed Najmi
Un livre
Le désir dictateur
Par
Mohamed Najmi
Le Matricule des Anges n°93
, mai 2008.