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Poésie Échos de presque rien

mai 2008 | Le Matricule des Anges n°93 | par Emmanuel Laugier

Les deux premiers livres traduits de l’Américain Cid Corman sont autant des instantanés visuels que les brèves méditations d’un sage.

Vivremourir (précédé de) Lieu

Cid Corman naît en 1924 à Roxbury près de Boston. S’il fut sporadiquement professeur, enseignant qu’il n’avait rien à apprendre à ses étudiants, il consacra sa vie à la poésie. Comme traducteur (Michaux, De Dadelsen, Du Bouchet, Jaccottet, Blanchot, Bashô, etc.), comme fondateur de la fameuse revue Origin, qui publia pour la première fois Creeley, Oppen, Niedecker et qu’il continuera à publier depuis le Japon où il s’installe dès 58 (il séjournera à Kyoto jusqu’à sa mort en 2003). Mais aussi par ses correspondances diverses et généreuses - celle avec le poète Charles Olson s’étend sur plus de 700 pages, et sa propre pratique de l’écriture
Les deux livres qui paraissent conjointement, Lieu, publié en 66, et Vivremourir écrit en 1969, figurent assez nettement les préoccupations centrales de sa démarche : économie des moyens langagiers, à l’image d’une part des poètes objectivistes américains qu’il publia dans Origin, enrichie elle-même des leçons japonaises du poème bref, replié et ouvert sur le passage des saisons et des gestes, méditations simples, notations littérales du quotidien (un ouvrier qui passe, un propos dans un bar, la mort prochaine de sa mère…). On ne s’étonnera donc pas qu’il ait pu traduire Jaccottet, Issa, ou encore Ponge, le travail sur la langue y étant toujours tourné vers l’épure, la volonté de ne pas complexifier la syntaxe. Le dehors, ce qui par lui-même et silencieusement se donne et comparaît devant nous, vient appuyer, chez Corman, sur le langage, et peut-être l’éloigne-t-il des représentations et des fantasmes que les mots et les concepts contiennent et véhiculent. Le poème devient alors une poche perceptive, une sorte de main légère, dans lesquelles quelque chose se pose et doit être rendu. Of, un cycle de 5 volumes de 750 pages chacun, où se mêlent traductions et poèmes, est le perpétuel recommencement de ce geste. L’opération est aussi simple que celle-là, semble dire Cid Corman, quand il écrit par exemple : « Je// frissonne au frissonnement/ des feuilles vertes, fines lames/ découpées dans un ciel et/ le découpant, formes. Ici désire », ou encore ceci, que Jean Follain n’aurait pas renié : « Ils charient du gravier. Vers midi/ l’un essuie du revers de la main la sueur/ sur son front et scrute le ciel// comme si quelque chose se passait/ là-haut. De toute façon - l’heure de manger,/ de se reposer à l’ombre d’une// clôture dans la poussière, de boire, de ne penser/ à rien, pas même à cette/ ambiance conviviale ». Ailleurs, les poèmes, faits de quelques mots verticaux dressés, deviennent des sortes de charades, des petites méditations zen, où l’on se demande si la puissance du soleil équivaut à celle d’une puce. Parfois ils disent prosaïquement un plaisir simple : « sortir/ dans la nuit et// contre la haie broussailleuse/ de pisser tout son soûl,/ de nourrir le silence ». Dans Vivremourir, la méditation autour de l’homme, n’a rien de démonstrative : elle le pose plutôt comme un rien, une respiration parmi d’autres, à l’image de ce récit : « Penser/ à une nuit noire/ par une nuit noire est/ troublant ; le cœur ne trouve/ rien à quoi se raccrocher :/ soulagé de la peur/ il s’élève à peine aux/mouvements d’un temps lent ».
Cid Corman confiait dans une lettre à Roger Laporte en 1983 que l’expérience d’une mort vécue, dans son enfance, lui avait permis de saisir que le « fait de pouvoir vivre à travers son mourir (était) fondamental ». Ce « sentiment d’existence », ouvert par la mort, est le centre aveugle et scintillant de sa poésie, ce en quoi il pouvait encore écrire : « Le corps/ se courbe vers la terre pour boire/ un plat d’ombre ».

Vivremourir
(précédé de)
Lieu
Cid Corman
Traduits
de l’américain
par Barbara Beck et Dominique Quelen
Postfacé
par Laurent Grisel
L’Act mem,
« La Rivière
échappée »
114 pages, 13

Échos de presque rien Par Emmanuel Laugier
Le Matricule des Anges n°93 , mai 2008.
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