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Domaine étranger Chantage hasardeux

septembre 2008 | Le Matricule des Anges n°96 | par Sophie Deltin

Révélée par son art de la fiction spéculative, Juli Zeh récidive ici à la faveur d’une intrigue méta-physico-policière dans une combinaison quelque peu alambiquée.

L' Ultime question

Déjà le troisième roman de cet écrivain, née en 1974, qui se distingue dans le paysage littéraire allemand par l’ampleur de ses ambitions. Metteuse en scène avérée d’un monde contemporain saturé de lumières qui semble parfois ne plus avoir aucun message humaniste à faire valoir, Juli Zeh place toujours au cœur de sa littérature la question de la validité morale d’une distinction entre le bien et le mal. Ainsi La Fille sans qualités* - une histoire de sordide chantage que deux lycéens font subir impitoyablement à un de leurs professeurs - affichait déjà un goût consommé pour la quête philosophique en tournant autour des thèmes de la dévaluation des utopies et de l’avènement d’une culture de l’indifférence. Dans L’Ultime question, on retrouvera donc sans surprise outre l’inventivité d’une écriture marquée par sa puissance métaphorique, le motif obsédant du chantage : un genre de situation perverse où la conformité à ce que l’on attend de vous - l’obéissance aveugle - ne représente plus que « (votre) seule liberté et donc (votre) unique chance ». Là où Juli Zeh innove, c’est dans sa façon de greffer son dispositif romanesque sur un nouveau protocole d’expérimentation : les sciences physiques.
Au cœur de l’histoire, Oskar et Sebastian, deux physiciens qui ont fait ensemble leurs études à Fribourg : leur rivalité qui s’exprime à travers leurs théories s’est révélée aussi dans leur choix de vie. Plus que de s’être fourvoyé dans des « élucubrations » ésotériques (la théorie des mondes multiples), n’est-ce pas d’avoir mis fin à toute possibilité d’avenir en commun (Sebastian s’est marié et a un fils) que Oskar lui reproche secrètement comme une trahison ? Leur « interminable controverse » sur le temps se déploie en fait sur fond d’intrigue criminelle : un scandale médical dans un hôpital a mis sans dessus dessous la ville, et bientôt l’enlèvement du fils de Sebastian va se doubler de l’assassinat (par décapitation !) de l’un des médecins impliqués dans ce même scandale…
C’est donc apparemment au genre du polar que Juli Zeh emprunte ses codes, ce n’est en réalité que pour mieux les détourner. Ainsi grâce à l’entrée en scène de Schilf, un commissaire malade qui enquête sur cette mort tout en luttant contre la sienne qui s’annonce prochaine, le meurtrier sera vite démasqué, et l’énigme résolue dès le cinquième chapitre - « sans que l’histoire soit terminée pour autant » nous est-il précisé. Car c’était sans compter sur l’imagination furieusement sophistiquée de cette machiniste de la catastrophe qu’est Juli Zeh qui a choisi d’introduire un invité encore plus incongru : le hasard. Et tout comme Sebastian qui entame sa « chute libre » dans les abîmes de la folie, le lecteur se trouve placé au centre de dysfonctionnements d’une réalité venue à perdre tout réglage. Le dialogue spéculatif peut alors s’engager : qu’est-ce que le réel, peut-on s’y fier ? Que devient l’existence quand il n’y a pas d’alternatives mais des réalités contradictoires existant simultanément ? Quelles implications sur notre faculté à prendre des décisions ? Ce qui gêne, ce n’est pas tant ce genre d’incursions (méta)physiques : un brin présomptueuses mais menées avec une aisance évidente, celles-ci sont même stimulantes. C’est plutôt leur raccord avec l’intrigue policière qui se révèle finalement artificiel, un peu trop contourné, voire confus.
Au seuil de la mort, Schilf demeure obsédé par le souci de rétablir l’ordre. La volonté de cohérence est une preuve désespérée de notre existence. On ne saurait regretter cette lucidité-là.

* Pour lequel cette avocate de formation vient d’ailleurs récemment d’être couronnée par le prix Cévennes du roman européen. Cf. Lmda N°84

L’Ultime question
Juli Zeh
Traduit de l’allemand par Brigitte Hébert et Jean-Claude Colbus
Actes Sud, 380 pages, 23

Chantage hasardeux Par Sophie Deltin
Le Matricule des Anges n°96 , septembre 2008.
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