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Vu à la télévision Fabrique de fées

octobre 2008 | Le Matricule des Anges n°97 | par François Salvaing

Sur le petit écran les fées poussent comme chiendent, qui prétendent, d’un coup de leur baguette magique, changer tout ou partie de la vie de Timothée. Dernière montée en graine : l’incertain Julien Courbet, transfuge des fins de soirée de TF1 embauché par France 2 pour lui conquérir la suprématie sur l’access prime time, la tranche horaire 18h-20h, où, paraît-il, se construit l’audience de la soirée et, conséquemment, se tissent les contrats publicitaires. La fée Courbet et toute une escouade de sous-fées s’affairent à enseigner à Timothée comment se dépatouiller des embarras de la vie. Service maximum, ça s’intitule. Des limaces dans votre jardin ? Faites-leur boire de la bière. Un garagiste vous mène en bateau ? On va le traquer avec vous. L’intestin fragile sitôt qu’à l’étranger ? Voici un patch contre la tourista. Chômeur ? Devenez itinérant « bricoleur à domicile ». Plaies d’argent jamais mortelles ! De quelques cartons de beaujolais habilement assemblés, Courbet & Co vous troussent un bureau pour le petit dernier, de quelques pots de yaourts une guirlande lumineuse. Votre toit s’est effondré sous une tornade médiatisée ? Les fées foncent sur place, frétillantes mouches du coche, « pour rassembler les solidarités ». Ad libitum. Pas de problèmes, seulement des solutions. « C’est du vécu, c’est du vrai », souligne régulièrement, toutes dents dehors, la fée Courbet. Envoyez-nous vos aventures du quotidien, confiez-nous vos astuces et gagnez un abonnement à Télé Z, notre magazine partenaire.

Cette fonction réparatrice, deux compères prétendaient aussi l’exercer, il y a peu, hebdomadairement, mais en bien plus ambitieux encore. Vous aviez perdu de vue un père, une mère, un frère ? Vous vous pensiez capable de dissiper l’affreux malentendu qui avait éloigné de vous l’être aimé ? Vous vouliez avouer à un parent ou à une amie un terrible secret dont le lourd fardeau vous devenait insupportable ? Bataille et Fontaine étaient là pour vous aider. Ils retrouvaient l’intéressé(e), le convainquaient d’au moins venir à la télé vous entendre de derrière un rideau, à vous de lui faire ouvrir le rideau pour, à l’unisson, inonder le plateau des eaux des retrouvailles ou de la réconciliation. Il n’y a qu’la vérité qui compte, telle était l’enseigne des fées Bataille et Fontaine. Un petit gros, un grand balèze, les gestes ronds, les voix mielleuses, les yeux désolés de tant de malheurs exposés, attendris par tant de miraculeux happy ends, qu’ils accueillaient avec le maintien modeste mais repu de cuistots dont la recette avait une fois de plus régalé la clientèle. Si, zappant, Timothée les croisait et s’obligeait à regarder un moment ce que regardaient (vers vingt-trois heures !) plusieurs millions de téléspectateurs, il en ressortait immanquablement souillé.

En 2005, l’émission paradait au zénith de son audience. Les documentaristes Oren Nataf et Isabelle Friedmann ont obtenu l’autorisation d’en filmer les coulisses. Vingt minutes de bonheur montre, sans les commenter, toutes les phases et tous les acteurs du processus. Tri entre les histoires reçues, rencontres avec les candidats chez eux, puis dans les locaux de la production, recherche des « témoins », accueil et préparation des uns et des autres par tout un ballet de coaches (du réalisateur et de ses assistantes, au cameraman, au coiffeur et à la maquilleuse), réunions de l’équipe de l’émission avant et après l’enregistrement puis la diffusion… Un véritable Manuel d’intrusion. Un authentique Précis de manipulation.

Timothée a-t-il jamais vu pareille mise à nu de la télévision soumise à la logique de l’audimat ? Oui. Sur un autre registre esthétique, dans Ginger et Fred, de Fellini… Ici le hasard a joué son rôle pervers. Le tournage a eu lieu au moment où Il n’y a qu’la vérité… connaissait un début de crise, dont personne ne semblait soupçonner qu’elle allait être mortelle. Personne sauf, sans doute, Laurent Fontaine, le petit gros. Il faut le voir et l’entendre, plus rond du tout, ni mielleux, mener conférences et debriefings, scander « nos fondamentaux : l’émotion, le suspense », refuser pour « un lundi de Pâques, une histoire d’homos ! », dégommer les personnages qu’on lui a dégotés, « des gens, physiquement, déjà ça va pas ! et qui, surtout, ne portent pas leur histoire ! », pointer sur les courbes de l’audimètre les moments où « la ménagère a décroché ». L’un de ses collaborateurs résume le public visé : « S’il allume sa télé, et tombe sur nous, il faut que tout de suite l’image lui dise s’il est devant du dramatique ou du comique. L’effort de comprendre est un luxe qu’il ne veut pas se permettre ». Quant à Pascal Bataille, il effleure non sans naïveté le secret de l’imposture : « L’émission que nous faisons ne ressemble pas forcément à celles que j’aime regarder. »

Vingt minutes de bonheur vient de sortir. Au cinéma, trois ans après son tournage. L’autorisation de le diffuser avait été accordée puis refusée par Bataille et Fontaine, avant d’être enfin rendue possible par un jugement des tribunaux. Avec un bel ensemble les chaînes se sont abstenues jusqu’ici de diffuser cet outil de démystification. Vingt minutes de bonheur, aux dernières nouvelles, n’est pas près d’être vu-à-la-télé.

Fabrique de fées Par François Salvaing
Le Matricule des Anges n°97 , octobre 2008.
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