L’amnésique
Si ce roman démarre un peu platement, il se révèle bientôt aussi prenant qu’intellectuellement stimulant. Qu’arrive-t-il à James Purdew, pour qu’à 30 ans il perde pied ? La vanité de son existence se double de fâcheux blancs mémoriels. Il laisse partir et sa compagne, Ingrid, et l’appartement qu’il partageait avec elle. Devant l’impossibilité d’ouvrir le coffre qui contient trois années de son journal (une métaphore bien sûr des replis perdus de la mémoire) il décide de quitter Amsterdam et de prendre la mer pour retourner dans la ville universitaire anglaise de ses années d’étudiant. Changé en enquêteur de son propre passé, il planque devant une maison où s’est déroulé un suicide, et qui lui sera confiée : en effectuant les travaux plus que nécessaires, il bénéficiera du logement, des défraiements et d’un bénéfice appétissant - tout cela à l’image de ses souvenirs à restaurer. En décollant le papier peint, il trouve un manuscrit : « Les confessions d’un meurtrier » qui le projette à l’époque victorienne. Une maison où tout est blanc jusqu’au contenu du frigo, des réminiscences cauchemardesques lors d’un trouble examen neurologique… L’enquête sur soi frôle autant le policier que le scientifique et le fantastique. Entre « l’espoir et la peur », le suspense monte, précédant l’arrivée du « chaos » des souvenirs et l’égarement du lecteur, déçu ou enchanté…
C’est beaucoup plus qu’un banal cas d’amnésie : c’est une image de la dissolution de notre mémoire, des palimpsestes de nos moi successifs, ce que confirment les allusions jamais gratuites à plusieurs auteurs, dont évidemment le maître des labyrinthes : Borges. Un bibliothécaire de rencontre a recueilli les documents du poète Philip Larkin, donc « ses souvenirs : la haine, la peur, le jazz, le porno et la mort. » Une pomme proustienne lui rappelle « une fille mince aux cheveux foncés »… Peu à peu le roman à tiroirs prend le lecteur dans ses labyrinthiques filets.
L’AMNÉSIQUE
de SAM TAYLOR
Traduit de l’anglais par Claude Demanuelli
Seuil, 440 pages, 22 €
Domaine étranger L’amnésique
octobre 2008 | Le Matricule des Anges n°97
| par
Thierry Guinhut
Un livre
L’amnésique
Par
Thierry Guinhut
Le Matricule des Anges n°97
, octobre 2008.