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Domaine français Astronomie de l’ivresse

novembre 2008 | Le Matricule des Anges n°98 | par Jérôme Goude

Petit écrin d’irréligiosités, Le Cure-dent de Jean-Yves Lacroix retrace le parcours joyeux et savant d’Omar Khayyam.

Au 45, rue d’Ulm, sur le rayonnage d’une étagère de la bibliothèque de l’École Normale Supérieure, un livre manque : le tome 11 de l’Encyclopédie de l’Islam publiée à Leiden en 1960. Ce volume devant contenir un article exhaustif sur le philosophe astronome Omar Khayyam jamais ne paraîtra. Le narrateur va donc s’accrocher à la réalisation de ce que la science n’a pu « mener à bout par son chemin de bât. » À défaut, puisant aux sources d’une matière généalogique rare, Le Cure-dent esquisse le portrait d’un « soiffard » imbibé d’algèbre, de poésie et de « potentialités érotiques ».
Né le 18 mai 1048 à Nishapour, « capitale opulente et populeuse » située au nord-est de l’Iran actuel, Omar Khayyam fut très tôt orphelin de père. La veuve d’Ibrahim, fabricant de tentes converti à l’Islam, confia l’éducation de son fils à différents maîtres. Le jeune Omar agira avec ses « professeurs comme le sphex avec sa proie : cette espèce de guêpe longiligne (qui) attaque droit à la tête, et (qui) en siphonne toute la substance nerveuse. » Dès 1074, ce disciple d’Avicenne accède au titre d’administrateur de l’Observatoire de Merv. Il y dirige une équipe de savants ayant pour mission de réformer le calendrier persan. Grand érudit placé sous la protection du sultan Malik-Shah, auteur de nombreux essais scientifiques et philosophiques, Omar Khayyam mesure assez rapidement à quel point ni la « raison ni la science ne sont le tout de la pensée inquiète. »
Plus qu’un simple récit biographique, Le Cure-dent de Jean-Yves Lacroix est un hymne poétique à l’hédonisme d’un « blasphémateur inspiré ». Loin du « discours mort » de la théorie, Omar Khayyam composa des Ruba’iyyat, ces « vers quatre à quatre » dans l’entrelacs desquels sont célébrés l’instant, le vin et les femmes. Faisant fi de l’orthodoxie religieuse de la dynastie Seljoukide, il revêtit Schahine d’une tunique tissée d’or. Schahine, cette poétesse généreuse qui, dans l’abandon des corps, fut « nue et nue et large au lit ; ample et précise dans le flottement des hanches, silencieuse et concentrée dans l’amour. Comme une déesse hindoue, partout à la fois. »
À l’image du cure-dent à ciselure ancienne couché sur d’antiques soies, indice des « qualités d’esthète d’Omar Khayyam, de son sens du luxe, de la fine pointe de son esprit », ce premier texte de Jean-Yves Lacroix regorge d’intelligence et d’élégance. Au-delà de l’hommage rendu à l’ « enfant du chaos », en filigrane, il recèle une vibrante épiphanie littéraire. Un jour d’équinoxe, sur les côtes granitiques de Bretagne, le narrateur du Cure-dent ne danse-t-il pas « au milieu des étoiles » en dispersant la cendre de ses notes, brouillons et autres papiers ? Afin qu’au rebours d’un phrasé « piqué d’extase » un livre offre l’opportunité « de donner un nom » au vide…
Si d’aucuns semblent regretter Dieu et la sacro-sainte hégémonie culturelle occidentale, d’autres, gouvernés par le doute seul, exhument des trésors cachés. Saluons donc Jean-Yves Lacroix ainsi que les éditions Allia qui, simultanément au Cure-dent, publient Les Quatrains d’Omar Khayyam. Méditons l’impondérable actualité de ces quelques vers : « Si tu veux m’écouter, je te donne un conseil : / Pour l’amour de Dieu, ne te revêts pas de / la robe d’hypocrisie. / La vie future c’est le toujours, ce monde / n’est qu’un instant ; / Ne vends pas le royaume de l’éternité pour / une seconde. » Et enivrons-nous !

Le Cure-dent de Jean-Yves Lacroix
Éditions Allia, 92 pages, 6,10

Astronomie de l’ivresse Par Jérôme Goude
Le Matricule des Anges n°98 , novembre 2008.
LMDA PDF n°98
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