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Égarés, oubliés Le dandy perçant

novembre 2008 | Le Matricule des Anges n°98 | par Éric Dussert

Badin, verveux et bretteur, Roger de Beauvoir incarna le dandysme aux côtés de Musset et de Barbey d’Aurevilly.

Les Mystères de l’île Saint-Louis : Chroniques de l’hôtel Pimodan

On n’a pas attendu Simone pour se nommer de Beauvoir. Bien avant elle, Roger de Bully avait opté pour le pseudonyme qui n’aurait pas laissé grand souvenir si, par hasard autant que par goût, le dandy qu’il était - et l’on comprend tout à coup le sens de ce « beau voir », hérité en réalité d’un château normand - n’avait rencontré les grands Romantiques. Marc de Montifaud a laissé cette note singulière : « Roger de Beauvoir fut la coupe de vin de Champagne répandue sur la nappe, que les truands tachaient de leur vin rouge ». En d’autres temps, Chaffiol-Debillemont ajouta : « Le dandy Roger de Beauvoir n’eût été qu’un Brummel au petit pied si, de par sa réputation littéraire, toute la jeunesse dorée, depuis Alfred Tattet, jusqu’au souriant Félix Arvers (…) ne lui avait donné du chapeau sur le boulevard » (Bibliothèque tournante, 1943). Autrement dit, de Beauvoir aurait été un mondain doublé d’un chroniqueur. Voire. Dans sa Lorgnette littéraire (1857), Charles Monselet teinta différemment sa toile : « Quel sang actif ! Comme il va ! Comme il vient ! et toujours souriant ! Sa vie se passe à échanger des poignées de main sur les boulevards, chez Tortoni et à l’Opéra. Il ouvre la bouche et il parle en vers, il ne se tait que pour boire du vin de Champagne. (…) Où dont prend-il le temps d’écrire, ce causeur, ce viveur, cet amateur de tableaux, ce voyageur, ce plaideur, ce duelliste ? »
Avec trente mille livres de rente, fortune colossale, Roger de Beauvoir peut tout se permettre. Il virevolte après avoir coupé aux désirs de ses parents de le voir embrasser la Carrière - il servit de secrétaire à l’ambassade du prince de Polignac à Londres où il attrapa le virus de l’élégance. Tel que Théophile Gautier s’en souvient dans ses Portraits contemporains (1874), « grande robe de damas vert-pomme, ramagé d’argent, toquet de velours nacarat et maillot rouge en soie, chaîne d’or au col ; il était superbe, éblouissant de verve et d’entrain, et ce n’était pas le vin de Champagne qu’il avait bu chez nous qui lui donnait ce pétillement de bons mots. »
On a gardé le souvenir de son parcours littéraire grâce à son succès le plus mémorable de 1832 (né en 1809 à Paris, il a alors une vingtaine d’années), son roman « pseudo-historique » L’Écolier de Cluny ou le Sophisme, parce qu’il inspira à Alexandre Dumas sa Tour de Nesles. « Ce roman moyen âge fut une entrée en jeu, nous dit Philibert Audebrand dans Romanciers et Viveurs du XIXe siècle (1904). Entraîné par l’instant de mobilité qui devait dominer sa vie entière, l’auteur ne donna pas suite à cette forme. Les compositions d’une étendue moindre s’accordaient bien mieux avec ses goûts. » D’où sa spécialisation dans le drame et le vaudeville et la nouvelle. Il « ne faisait bientôt plus de littérature que comme passe-temps. Par malheur, il donnait la préférence à l’épigramme. » Et il s’en prit pour commencer à la jeune George Sand.
Partisan du romantisme, le jeune écrivain à la mode fréquente alors le Café Anglais ou la Maison dorée avec son ami Alfred de Musset. On le surnomme le « Musset brun ». Sa verve inédite le fait remarquer aux côtés de son « ami de cœur et d’intelligence » Jules Barbey d’Aurevilly : il accède de plein droit au rang des esthètes sublimes, tels d’Orsay ou Lord Seymour dont il partagea le destin misérable. Mais à l’heure de sa gloire, l’argent de sa mère lui rendait la vie agréable et son appartement de la rue de la Paix était admiré.
Sur le plan littéraire, il se signala encore par un recueil de vers « fashionable », puis par des chroniques, des nouvelles raffinées, des pièces de théâtre et des romans historiques dont ces Mystères de l’Île Saint-Louis reparaissent enfin, il reste de son œuvre des ouvrages titres qui en disent assez sur leur auteur : Aventurières et courtisanes (1880), Les Soirées du Lido (1860) ou Les Soupeurs de mon temps (1868), Histoires cavalières (il détestait comme Barbey l’équitation), Les Disparus (1887) où il a laissé de très beaux portraits, et plusieurs recueils de nouvelles.
On l’a deviné, Roger de Beauvoir semble n’avoir jamais manqué ni de panache, ni d’audace. Les anecdotes sont pléthores : il cocufia Dumas, par exemple, dont il avait été le témoin de mariage - oublions un instant le panache - avec son épouse Ida, mais dût se réfugier dans une armoire, où le trahit un éternuement. Plus redoutable encore, il fut un bretteur de classe qui ne rechignait jamais à croiser le fer. Balzac en fit les frais qui eut l’imprudence de le moquer dans la Petite Revue Parisienne. Le grand auteur reçut évidemment ses témoins et pour éviter le premier sang se fendit d’une très longue lettre d’excuses (quarante pages, dit-on) qui fut repoussée d’un définitif « De monsieur de Balzac, je ne veux que la peau. » Roger de Beauvoir aimait les phrases et celle-ci est restée.
Après avoir été l’une des gloires du dandysme, de Beauvoir épousa le 7 janvier 1844 Léocadie Doze (très belle actrice sans grand talent) dont il eut trois enfants, et, rompant six ans après, fut ruiné par sa belle-famille, qui lui fit également goûter à la geôle pour insultes à belle-mère. Lorsqu’il s’est éteint à Paris, le 30 octobre 1866, après des années de souffrance (la goutte bien sûr) seul lui restait Barbey d’Aurevilly.
Un censeur écrivit un jour de 1842 que de Beauvoir se souciait peu de « la moralité de l’œuvre, pourvu que son temps soit employé et qu’il s’amuse ». C’est sans doute pourquoi Roger de Beauvoir fut aussi un sage.

Les Mystères de l’Île Saint-Louis
Tome 1 : Chroniques de L’Hôtel de Pimodan
Phébus, 368 pages, 20

Le dandy perçant Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°98 , novembre 2008.