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Traduction Elena Balzamo

janvier 2009 | Le Matricule des Anges n°99 | par Elena Balzamo

La Correspondance, de Strindberg

La correspondance de Strindberg (1849-1912) a peu d’équivalents dans la littérature mondiale. Par son originalité, son ampleur, sa diversité, la richesse des thèmes abordés, c’est un des sommets incontestables du genre. Couvrant la période de 1858 à 1912, elle se compose de plus de 10 000 lettres, adressées à des centaines de personnes (Zola et Gauguin, Hamsun et Brandes, Nietzsche et Bernard Shaw…) au fil d’une existence mouvementée, parallèlement à un travail littéraire qui n’a jamais connu de répit. Un document biographique unique, une œuvre littéraire de premier ordre, un témoignage inestimable sur l’homme et son époque.
Dès 1948 démarre l’édition critique de cette correspondance en Suède : volume après volume voit le jour, et en 2001 la gigantesque entreprise, 22 volumes au total, est achevée. À l’étranger, un choix en deux volumes paraît en Angleterre en 1992, un choix en un volume en Italie en 1999. La France, quant à elle, était en retard : aucune édition couvrant l’ensemble de la correspondance, rien que quelques choix thématiques publiés ici et là au cours des années. L’édition en trois volumes qui sera publiée chez Zulma entend combler cette lacune.
Faire une sélection pertinente parmi tant de lettres me semblait au début impossible : comment choisir ?! Mais je me rendis vite compte qu’un choix suffisamment large ne comportera pas de pertes notables, car même si toutes les lettres sont signées « Strindberg », elles n’ont pas toutes la même valeur. Une grande partie du contenu des 22 volumes sont des billets relatifs aux affaires courantes : commande d’une boîte de cigares, demande de livres auprès d’un bouquiniste, remerciement pour un cadeau ou des vœux… Mon travail fut également facilité par la nature même de cette correspondance, qui n’est qu’un gigantesque soliloque : Strindberg suit le fil de ses propres pensées, et si une seule missive n’épuise pas son raisonnement, il en rédige aussitôt une autre sans attendre la réponse du destinataire, de sorte que, pour le lire, on a rarement besoin de savoir ce que lui écrivent les autres. Du point de vue éditorial, c’était un grand atout.
Ainsi, je commençai par lire les 22 volumes, l’un après l’autre, en établissant pour chacun une liste des lettres à retenir, toujours aussi éblouie par la qualité de cette prose : jamais un lieu commun, tout est personnel, propre à Strindberg, pensé au moment même de l’écriture, une présence étonnante qui se fait sentir à travers le moindre petit billet. Par ailleurs, très peu de répétitions et un niveau égal maintenu tout au long des années : pas de trous, pas de baisses de qualité, pas de passages à vide. Mon choix final comporte près de 850 lettres, ce qui représente environ 10% du texte original.
Cette correspondance possède encore une autre particularité : à chaque période de sa vie, Strindberg avait une sorte de « destinataire principal », personne à laquelle il écrivait de longues suites atteignant parfois des dizaines de lettres et formant une entité bien distincte par le ton, les thèmes abordés, etc. Chacune de ces suites se lit comme un petit roman épistolaire. En considérant la nécessité de conserver les suites les plus intéressantes sans pour autant bouleverser l’ordre chronologique, j’ai fini par opter pour une présentation « géographique ». C’est que pendant la plus grande partie de sa vie, Strindberg mena une existence nomade, changeant sans cesse de pays, de ville, de domicile. Ces changements d’adresse entraînaient un changement de son cadre de vie, de ses occupations, de ses fréquentations. En me faisant guider par ces pérégrinations pour déterminer les sous-ensembles cohérents, je réussis à alléger l’appareil critique, un gain important vu la taille du texte.
La traduction de Strindberg n’est jamais exempte de difficultés, et dans la traduction de sa correspondance ces difficultés se trouvent décuplées - la tâche frôle l’impossible. Premièrement, parce que, ici, comme dans toute correspondance, on a affaire à des textes « bruts », destinés à un usage privé, pleins de raccourcis, allusifs, parfois « incorrects », souvent codés d’une façon ou d’une autre - leur lisibilité en est inévitablement affectée. C’est pourquoi, à la différence des œuvres littéraires, qui peuvent être plus ou moins autosuffisantes, une correspondance, pour être lisible, a toujours besoin d’un appareil critique : tout un cadre référentiel est à restituer.
À cela s’ajoutent des particularités propres à Strindberg. La première est son multilinguisme : à côté des lettres en suédois (qui forment, bien entendu, une écrasante majorité), on trouve un grand nombre de missives rédigées en français et en allemand, ou bien des textes écrits dans un mélange de langues. Ce trait pittoresque est malheureusement voué à la disparition : vu leur nombre, les lettres en allemand et en anglais doivent être traduites au même titre que les lettres en suédois.
Les lettres rédigées directement en français posent un problème spécifique. Elles comportent presque toujours des fautes - comment les traiter ? Pas question de les « corriger » ; cependant, des textes fourmillants de fautes (lettres authentiques) au milieu des textes dans un français « normal » (celui de la traduction) risqueraient de dépareiller. La solution adoptée consiste à les reproduire tels quels, en italique, munis d’une note explicative.
Au cours du travail sur le volume I, à côté des problèmes prévisibles dès le début, j’étais sans cesse confrontée à d’autres que je tâchais de résoudre au fur et à mesure. En commençant la traduction du volume II, je ne me fais pas d’illusions : de nouveaux problèmes surgiront, inévitablement. Et tout aussi inévitablement il y aura de nouvelles trouvailles, de nouvelles surprises - c’est le propre de tout travail portant sur l’étonnant phénomène qu’est Strindberg.

Elena Balzamo a traduit entre autres Söderberg, Romer, Almqvist. « Je commence le bombardement ! » Correspondance, tome I, 1858-1885 paraîtra aux Éditions Zulma en 2009.

Elena Balzamo Par Elena Balzamo
Le Matricule des Anges n°99 , janvier 2009.
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