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Poésie Opération “ patmo “

janvier 2009 | Le Matricule des Anges n°99 | par Emmanuel Laugier

Les Écrits poétiques de Tarkos amorcent un vaste chantier de publications, une archéologie en somme de la voix en acte.

Ecrits poétiques

Qui aura entendu lire Christophe Tarkos, ou improviser, ou performer ses textes, aura eu la sensation flagrante, presque dérangeante, qu’il soulevait et mettait à nu, par sa seule voix, des hectares de terres langagières. Comme si de ce visage anguleux, de cette bouche presque immobile, une véritable profération, toute sobrement entêtée, devait être sortie du corps et abandonnée à la masse anonyme des auditeurs. Cette lente remontée hagarde de mots, de pans de phrases hachées dans leur ritournelle, cette rage à faire entrer la répétition dans le chant du poème, à le bêtifier, à le simplifier jusqu’au sel du simple d’esprit, Tarkos en fit, dès le milieu des années 90 (son premier livre se titre étrangement L’Oiseau vole) le leitmotiv clinique de son poème. Dans son deuxième livre-manifeste (Le signe =), il appelle ce donné de la langue et le travail que nous devons créer contre ses butées, la « pâte-mot ». « Patmo », comme il l’écrira ensuite, fait du langage une purée, une compote, voire une mélasse entre le monde et ce que nous en disons par les mots.
La folie du singulier acculé à lui-même.
Ce premier volume posthume de Christophe Tarkos (1963-2004) montre ainsi les degrés actants de cette conquête nulle de la parole sur elle-même, avec une évidence à désarçonner le meilleur cavalier poétique. Y sont rassemblés ses premiers livres et plaquettes publiés chez Ulysse fin de siècle et Al Dante (dont le très puissant Processe, oui, L’argent, Je m’agite, Donne et deux entretiens importants). Écoutons-le lancer la dynamo du texte-pâte : « JE SAIS LIRE/ j’efface je tiens j’efface je tiens les mots ne bougent plus je tiens les mots ne bougent plus je suis debout je tiens tu tiens tu tiens les mots tiendront je tiens tu tiens les mots tiendront j’ai effacé les mots ne bougent pas j’ai effacé je tiens je reste debout je resterai debout j’ai effacé les mots ne bougent pas… » (oui). La voix, écrite, ou articulée physiquement, sortie de la gorge, devient alors un long et patient travail d’éclaircissement, jusqu’au labeur de ne cesser de répéter des structures de phrases similaires pour les faire avancer sur elles-mêmes. Le texte s’élance contre le poème, s’écrit dans cette volte-face de la répétition heurtée et presque débile, obsessionnelle. Que l’auteur, dans le trajet biographique qui est donné à lire, soit passé par les institutions psychiatriques, n’est certes pas anodin, mais gardons-nous, pourtant, d’en faire le moteur seul du fou d’écriture « avec une grande pancarte à deux kilomètres de là ». Il y a, chez Tarkos, jusqu’à l’ennui parfois de continuer la lecture de textes immensément répétitifs et quasi autarciques, une sorte de détachement, de « je ne suis plus là », au lieu même où son corps, lui, endure l’extériorité pure où les mots ricochent contre la paroi dure du réel.
Ces Écrits poétiques, qui ouvrent un vaste travail à venir de ses improvisations enregistrées, carnets, dessins, correspondances, ont cette folie de l’idiotès, du singulier acculé à lui-même, rendu à lui-même pour, à chaque coup, en faire l’objet d’une recherche, d’une possible sortie de soi. Un véritable entêtement, beckettien, constitue son champ d’écriture, c’est une lutte contre le rien que l’on aurait passé dans la moulinette d’un comique grave et pince-sans-rire (Buster Keaton, par exemple). Mais cela n’empêche pas Tarkos de méditer littéralement et dans tous les sens sur l’argent, en maintenant, dit Prigent dans sa préface, « l’inouï » en lui-même : c’est-à-dire la venue de ces voix opiniâtres, obstinées, stéréotypées, arrogantes, savantes, délirantes, juchées, communes.

Écrits poétiques de Christophe Tarkos
Édition établie et annotée par Katalin Molnár et Valérie Tarkos
Préface de Christian Prigent, P. O. L, 432 pages, 20

Opération “ patmo “ Par Emmanuel Laugier
Le Matricule des Anges n°99 , janvier 2009.
LMDA papier n°99
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