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Égarés, oubliés Prince des loufoques

février 2009 | Le Matricule des Anges n°100 | par Éric Dussert

Humoriste complet, Cami fut conteur, romancieur, dessinateur et directeur d’un journal funèbre. Charlie Chaplin lui tira son chapeau.

Depuis la disparition en novembre 1958 de Pierre Louis Adrien Charles Henry Cami, deux salves d’efforts ont contribué à redorer son blason. Ceux de Michel Laclos et Jean-Jacques Pauvert d’abord dans les années 1960, puis ceux, diablement obstinés, de John Crombie (des éditions Kickshaws) depuis 2002. Ils n’auront pas été vains puisqu’à nouveau il est possible de lire « en neuf » (ça tombe bien) les écrits singulièrement loufoques de celui qui fut surnommé dès parution de Pour lire sous la douche, son premier livre, en 1912, « notre Cami national ». Qu’en sait-on encore aujourd’hui ?
Outre que les éditions Kickshaws le rééditent à tour de bras, et que leur animateur a organisé cet été à La Charité-sur-Loire une rétrospective pour le cinquantenaire de sa disparition où le talent protéiforme et la joie de vivre de ce bonhomme plaisant et facétieux explosaient d’évidence… que la lecture de ses œuvres réserve des surprises. Elle devrait du reste passionner les amateurs d’intertextualité, de pastiche et d’autoplagiat…
Né à Pau en 1884, Cami quitte sa ville natale en 1903 avec sa compagne pour s’essayer à la comédie dans la Capitale. Le succès venant peu, ou mal, il renonce peu à peu et lance le 15 juillet 1910, dans la grande tradition des journaux amusants un journal dédié aux pompes funèbres, Le Petit Corbillard illustré qui ne paraîtra que sept fois. Il assume l’essentiel des textes et illustrations de la publication, il la place sous cette fière devise : « Humour, Délice et Morgue ». On trouve à ces sommaires qui jonglent avec les tibias et l’humour noir son ami de toujours Dranem, et puis Mark Twain et aussi Georges Fourest avec le renfort d’« Oscar Fémur », c’est entendu…
Son talent s’est fait connaître là et les commandes que lui valent le succès le condamnent à une activité stakhanoviste : chronique et/ou dessinateur de presse, conteur, romancier, il multiplie les publications dans la presse, combine des recueils, les illustre, écrit des chansons, des scenarii, compose des bandes dessinées… Il est l’indétrônable maître du calembour (après Allais qui avait disparu en 1905), le prince des loufoques, l’empereur des comiques qui ouvre en 1933 la « Semaine camique » dans L’Illustration où il ravage avec le sourire mœurs et usages du temps. Sa notoriété est totale, il est apprécié par tous, jusqu’aux surréalistes qui se pourlèchent des inventions de sa cervelle à bulles. Et puis il écrit à Charlie Chaplin dont il est devenu un fan complet dès l’arrivée des courts métrages de l’Américain en 1915 à Paris. Une correspondance s’engage, Cami propose deux scenarii et produit plusieurs volumes d’aventures de Charlot tandis que, par ailleurs, il se lance dans le détournement comique des grands romans populaires. Pour Chaplin, il est « le meilleur humoriste in the world ». Ça n’est pas rien.

Une œuvre qui doit intéresser les amateurs de pastiche et d’autoplagiat.

Inspiré par Dumas, il donne Le Fils des trois mousquetaires (1919) et Les Chevaliers du gai (1935), s’attaque aux récits de science-fiction et aux polars avec les deux volumes de Krik-Robot, détective à moteur (1945-1947) et Les Aventures de Loufock-Holmès (1926). De Gaston Leroux il tire l’inattendu Scaphandrier de la Tour Eiffel (1929) ! Et l’on passe sous silence les aventures de M. Rikiki, fonctionnaire terne qui parcourt le ciel, la géhenne et la terre, en famille parfois, ou le baron de Crac, résurgence d’un gentilhomme gascon du XVIe siècle, transformé par d’autres, autrefois, en baron de Münchhausen, et encore Cyranotte, la « fille bien nez ».
Aussi pantouflard qu’il est possible, Cami, qui sortait le moins possible de son logement de la rue Etex (avec vue sur le cimetière Montmartre), aura fait faire le tour du monde à des générations de lecteurs. Sur L’œuf à voile bien sûr, mais aussi à bord de « l’Ecrevisse à rebrousser les siècles ». Adepte de l’uchronie et des Voyages inouïs « bidirectionnels », il lance sans vergogne M. Rikiki chez Napoléon, à la fin des Temps ou sur Mars. Ses anticipations qui ne manquent pas d’allure (il préconise le « téléphone de poche » en 1937) ne restent pas toujours gaies : en 2000 et en visite au musée, les parents ne savent plus expliquer à quoi servait « ct’ruc-là », une bibliothèque…
Il aura fallu la Seconde Guerre mondiale pour couper les pattes de Cami. Salué par le Grand Prix de l’Humour international en 1953, il a cessé d’écrire et l’on peut croire que son fantôme a regretté depuis « l’éternel mépris pour la fantaisie et l’humour, dans le pays de la vieille gaieté française ! (Ô combien vieille !! Mais, à propos, n’est-elle pas morte ?) », comme il l’écrivait en 1926 lorsque nul ministre ne songea à décorer Charlie Chaplin lors de son passage à Paris… Il est donc temps de conseiller aux lecteurs perspicaces de plonger un œil dans le catalogue des éditions Kickshaws. Un œil, mais le bon.

Prince des loufoques Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°100 , février 2009.