Pour un auteur qui veut plaire, il est facile de flatter le lecteur paresseux. Il suffit de l’installer confortablement dans une histoire linéaire, au point de vue unique et de laisser filer des phrases clichés. Un écrivain qui voudrait impressionner ferait l’inverse. Il n’aurait qu’à briser la ligne, multiplier les angles, casser les phrases. David Toscana, qui aime la littérature, en a visiblement eu assez d’enchaîner les romans de ce style. Et pour bien montrer qu’il respecte son lecteur, il a décidé de dévoiler, pour lui, les coulisses de la création. Lucio, le personnage principal de son livre, est un bibliothécaire qui officie dans un petit village mexicain où personne ne lit. D’ailleurs, sa bibliothèque est officiellement fermée. Habité par les ouvrages qu’il a lus, il analyse le moindre événement du quotidien en faisant référence à des passages qui lui ont plu ou déplu. Lorsqu’une petite fille disparue est retrouvée morte par son fils, il donne des conseils à ce coupable idéal et tente de manipuler l’enquête, citations à l’appui. Pour l’intraitable Lucio, le tri est vite fait. Tous les livres qui échouent à l’examen qu’il leur fait subir finissent à la cave, avec les cafards. « Ces insectes doivent régurgiter des prix, des succès et surtout de grotesques éloges qui vantent une prose efficace, un chef-d’œuvre majeur, témoignage de l’exceptionnelle qualité littéraire de l’écrivain ». Au-delà du fait divers qui sert de prétexte à la trame, David Toscana propose des passages d’études comparées édifiants et des analyses critiques d’écrivains nébuleux. Tout se brouille. Est-on dans la récit du fait divers, la pensée de Lucio, un extrait lu, remanié ? Il bouscule son lecteur, mais pour lui apprendre à ne pas être le jouet de l’auteur et garder toute sa capacité critique. Un mauvais livre doit tomber des mains : " Il déteste les voitures parce que le détective Caselli ne monte pas dans la sienne pour se rendre de son bureau à la scène de crime, mais pour que l’auteur perde du temps à nous parler de la circulation
El último lector
de David Toscana
Traduit de l’espagnol (Mexique) par François-Michel
Durazzo, Zulma, 215 pages, 18 €
Domaine étranger El ultimo lector
mars 2009 | Le Matricule des Anges n°101
| par
Franck Mannoni
Un livre
El ultimo lector
Par
Franck Mannoni
Le Matricule des Anges n°101
, mars 2009.