Biljana Srbljanovic est née en 1970 à Belgrade. Très rapidement, ses textes se sont imposés sur toutes les scènes d’Europe. Une septième traduction vient de paraître chez l’Arche : Barbelo, à propos de chiens et d’enfants. L’action se situe aujourd’hui, en Serbie. La première séquence se passe au cimetière. Un père n’arrive pas à dire à son fils que sa mère s’est suicidée. L’enfant va être obligé de nommer seul la réalité. Le père vivant déjà avec une autre femme, la famille se recompose donc de la sorte : un père obsédé par sa carrière politique, un enfant goinfre et une femme qui se demande : « Comment peut-on savoir à l’avance ce qu’on va mettre au monde ? Un homme ou une bête ? » et qui finalement accouche d’une bague en se croyant enceinte.
Ici, les vivants côtoient les morts. Nous sommes dans un espace de confusion. Enfants, adultes, vivants, chiens et morts peuvent être confondus et les personnages nous précisent en fin de scène de qui ils parlent : « Vous savez, bien sûr, / que nous / sommes tous / morts ? Mais le savez-vous ? » ou encore « Vous comprenez, bien sûr ? Que moi, je parle des chiens ? » Au cœur de la pièce se cache la douleur qui empêche les êtres de se définir.
Biljana Srbljanovic invente un rapport privilégié avec le lecteur, ses personnages viennent régulièrement s’adresser au public. De plus, elle se met en scène dans ses didascalies. Tel personnage pleure tout le temps, comme elle. À la fin, elle nous indique : « Je suis la seule à m’en aller. Je ne sais pas vraiment où. » Une présence parfois envahissante mais qui replace doublement la douleur et sa mise à distance au cœur de l’œuvre.
Barbelo, c’est le nom que donnaient les gnostiques à une soi-disant mère céleste. Une séquence de la pièce s’appelle ainsi et met en jeu un vagabond vivant dans le cimetière avec son chien, qu’il prend pour sa mère. Pour Biljana Srbljanovic, le « Mère-Père » céleste est peut-être un chien et l’humanité décidément ravagée.
BARBELO, À PROPOS DE CHIENS ET D’ENFANTS
de BILJANA SRBLJANOVIC
Traduit du serbe par Gabriel Keller, L’Arche, 106 pages, 12 €
Théâtre Barbelo
avril 2009 | Le Matricule des Anges n°102
| par
Laurence Cazaux
Un livre
Barbelo
Par
Laurence Cazaux
Le Matricule des Anges n°102
, avril 2009.