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Domaine étranger Les dépossédés de Stasiuk

mai 2009 | Le Matricule des Anges n°103 | par Thierry Cecille

Une fois encore, en extrême Europe, l’écrivain polonais nous guide sur ses chemins - qui ne conduisent nulle part ailleurs qu’en nous-mêmes.

Sans doute faut-il être atteint d’une sorte de maladie non encore définie, ou d’une perversion inédite, pour rêver, ainsi qu’il nous est arrivé au détour de ces pages, de prendre ce train qui, à Stroze (en Pologne), part pour Budapest « à 0 h 42, s’arrête une minute et disparaît aussitôt tel un fantôme »… Ou pour désirer dormir dans cette ancienne prison de Ljubljana, transformée en auberge de jeunesse qui fait également office de galerie d’art contemporain : « des artistes du monde entier ont été invités à venir y installer leurs visions plastiques et architecturales. Never ever prison again ! The space of freedom with the inspiration of youth - voilà le slogan inventé par les concepteurs du projet »… Comme la lecture de Sur la route de Babadag ou de Last and lost (voir Lmda N°81 et 88) nous avait lancés sur les routes désertées de l’Istrie, nous envisageons, avec une sorte de mélancolie passionnée (celle du fado), d’aller contempler, au Jour des morts, les milliers de bougies allumées dans les cimetières polonais et, plus précisément, ces lumignons fragiles et émouvants qui honorent les soldats de l’Empire austro-hongrois, tombés dans les Carpates en 14 et depuis oubliés dans ces cimetières en ruine de l’ancienne Galicie.
Andrzej Stasiuk répertorie, avant qu’elle ne s’efface totalement, cette Europe qui s’est pressée à nos portes et qu’aujourd’hui nous engloutissons - sans vraiment la digérer. Cette Europe extrême, s’étendant de la Pologne à la Macédoine, de l’Ukraine au Kosovo, c’est celle que l’Histoire martyrisa puis figea - et qui n’avait que son passé pour héritage. La marchandisation accélérée de ce qu’on osa appeler Communauté européenne, va le lui voler. « Je décris tout ça parce que personne d’autre ne le fera » : Stasiuk observe en effet puis dépeint ces lieux de drague et de débauche médiocres que sont devenues les stations-services de la campagne polonaise, les samedis soirs, ou la résistance obstinée des tziganes, qui semblent être les seuls à savoir ruser avec cette postmodernité clinquante et épuisante, ce no man’s land et ce no man’s time (osons le néologisme) dans lequel on les force à vivre désormais.
Les antihéros de Neuf (roman plus ancien, écrit en 1999), impécunieux escrocs minables dans la Varsovie du début des années 90, affrontent eux aussi (ou plutôt renoncent à affronter) le chaos qui succède à la lente agonie du communisme. Comme Vladimir et Estragon chez Beckett, dans l’attente d’on ne sait quel impossible salut, clochards plus abrutis que métaphysiques, ils errent, pendant trois jours, du centre-ville effréné aux banlieues grises - et ne peuvent échapper à l’ennui tout-puissant, pas même soluble dans la vodka. Les objets, ici aussi, l’emportent sur les humains, les marques (BMW, Marlboro et autres Absolut) deviennent comme les poteaux indicateurs des nouvelles existences imposées. Au-dessus de la ville se déploie « une grande banderole publicitaire pour les assurances sur la vie FENIX » !
Tout n’est peut-être pas perdu cependant. Subsiste, dans cet orphelinat de l’Histoire avortée, une part d’inassimilable, une mystérieuse faculté - peut-être ne parviendra-t-on pas à les déposséder totalement ? Ainsi en est-il de cette résurrection paradoxale, celle de la beauté de l’automne : « Et je me dis que mon pays triste, quelconque, beau et consternant, désespéré et douloureusement banal, sublime et bouffon, gris souris, gris de pluie, tristement ordinaire, accède une fois l’an, à ce moment précis d’un tel automne, à une sorte de grâce et à un lavement de toutes ses fautes. Amen, messieurs dames, amen. »

Andrzej Stasiuk Fado, traduit du polonais par Charles Zaremba et Neuf, traduit du polonais par Grazyna Erhard, Christian Bourgois, 177 et 377 pages, 16 et 25

Les dépossédés de Stasiuk Par Thierry Cecille
Le Matricule des Anges n°103 , mai 2009.
LMDA PDF n°103
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