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Vu à la télévision Mouches de coaches

juin 2009 | Le Matricule des Anges n°104 | par François Salvaing

Nomades, certains mots vont et viennent d’une langue à l’autre. Ainsi fleurette parti se conter outre-Manche du temps des Plantagenet et resurgi chez nous au début de la IIIe République sous la forme suggestive de flirt. Le cas de coche est comparable, terme issu au XVIe siècle du hongrois kucsi et désignant une grande voiture tirée par des chevaux pour transporter des voyageurs, d’où naîtra très vite le cocher, puis traversant lui aussi la Manche pour nous revenir de Londres vers la fin du XXe siècle sous les traits du coach, lequel, une vraie mouche, pullule désormais sur l’écran de Timothée.

D’abord il n’y a vu que du feu, que du foot. Le mot coach désignait l’entraîneur. Depuis Coach Vahid, sans doute, marionnette frénétique jusqu’au grotesque qui gestichurla sur et devant les bancs successivement des clubs de Lille, Rennes et Paris. Impassibles mâchonneurs de gommes ou épouvantails aux gestuelles paranoïdes, ses confrères font de plus en plus partie du spectacle télévisuel. Et depuis Vahid Halihodzic, plus un pousse-balle, serait-il de dix-huitième division, qui ne parle du coach, de ses consignes et de ses choix, du coach et de son coaching, autrement dit de sa gestion, en cours de partie, des remplacements qu’autorise la réglementation en vigueur. La fortune du mot dans la profession tenant sans doute à ce qu’en Angleterre passent, de l’Écossais Ferguson à l’Alsacien Wenger, du Portugais Mourinho au Néerlandais Hiddink, les entraîneurs les plus emblématiques et paissent les plus gras salaires.

Puis Timothée a prêté attention, mais moindre, aux coaches du tennis. Mais ceux-ci, sauf pour les matches de Coupe Davis, sont, assis parmi le public, contraints au mutisme. À peine si, de temps à autre, par un haussement de sourcil, un froncement de nez ou la moitié d’une moue, ils peuvent suggérer à leur protégé(e) en perdition la tactique salvatrice. Les caméras captent moues, froncements, haussements, mais sans insister car elles ne peuvent nous en déchiffrer le code.

Ensuite il est tombé sur Star Academy ou était-ce Nouvelle Star ? Une émission en tout cas où des jeunes gens comparaissaient en chansons devant une rangée de coaches tous plus préoccupés de produire un numéro susceptible de lancer (ou relancer) leur notoriété d’artistes, que d’apporter aux impétrants un conseil utilisable pour le chant ou l’existence. Ces rustiques métaphores de l’entretien d’embauche redoublaient, en y ajoutant leur vulgarité spécifique, les leçons des rencontres sportives : la vie sociale est une compétition, et le rôle des dirigeants est de trier et d’éliminer pour élire le bon grain qui, provisoirement, portera la livrée.

Bien sûr, l’attention désormais aiguisée, Timothée a repéré des coaches invisibles qui soufflaient dans l’oreillette des présentateurs ou des animateurs la question ou la plaisanterie opportunes, et même ceux, encore plus lointains, qui avaient préparé la prédicatrice politique à prononcer de manière inspirée, entraînante et pour tout dire télégénique, les quatre syllabes de Fra-ter-ni-té. Mais décisive fut pour lui la découverte, super tardive, de Super Nanny.

Samantha, l’une des chéries de Timothée, enregistrait depuis des années Super Nanny, et un soir, impossible de tergiverser davantage : ou il partageait avec Samantha ce plaisir aussi, ou plus aucun. Cas de force majeure, il fallut accompagner une blonde quadragénaire à lunettes et à tailleur, dans une famille hallucinante où, de tôt le matin à très tard le soir, des bambins tyranniques père et mère désespéraient. Coaching en quatre temps. 1) Super Nanny observe les mœurs en usage dans le cercle familial ; 2) Elle délivre son diagnostic et suggère ses solutions ; 3) Elle s’éloigne, le temps qu’on tire profit de son expertise ; 4) Elle revient et, comme c’est nécessaire, impose à chacun ses règles et recettes. Final humide avec toute la troupe, réconciliée, reconnaissante, filant doux.

Après Super Nanny, Timothée traque les coaches dans tous les recoins de son bouquet numérique. Il en dégote de savants, de charlatanesques, de graveleux. Ici un psy tente de reprendre, trois étages en dessous, le flambeau de Françoise Dolto, un cordon bleu dispense sa science du loup grillé ou de la sauce gribiche, un ancien pilote de F1 pointe avec une ancienne accidentée de la route où s’arrête le conducteur et où commence le chauffard. Là un duo de sexologues bodybuildés guide les ébats d’un couple flasque au lit tombé en friche, et une décoratrice pulpeuse dévaste de couleurs criardes le logement d’un foyer soucieux d’apparaître à la hauteur de son époque.

Depuis Super Nanny, fini de rire. Le traqueur, à force, se sent traqué. Tous ces coaches dont Timothée découvre peu à peu que se tisse l’écran, ne dénoncent pas, tels Coach Vahid ou Coach Lio, les défaillances d’un joueur ou d’un chanteur, d’un arbitrage ou d’un accompagnement, mais, avec une cruauté aussi sournoise qu’obstinée, les siennes. Timothée ne sait, à leurs aunes, que très imparfaitement aimer, éduquer, manger, conduire, s’habiller, se meubler, se vendre… Au fait, mérite-t-il seulement de vivre ?

Mouches de coaches Par François Salvaing
Le Matricule des Anges n°104 , juin 2009.
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