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Domaine étranger Saxo de nuit

juin 2009 | Le Matricule des Anges n°104 | par Yves Le Gall

Chad Taylor inonde la ville des rythmes lancinants du jazz, et nous montre comment, au risque de nous engloutir, l’art ouvre les chemins les plus imprévisibles.

L' Eglise de John Coltrane

Auckland : le « General Building » abrite d’anciens bureaux transformés en appartements pour artistes. Le puits de lumière ne récupère pas les rayons du soleil et le bâtiment est sombre et glacial. La nuit, il s’anime sous le jeu des éclairages artificiels et des ombres de la pluie. Tel un « télescope de brique et d’acier » il semble alors capter les plus infimes lueurs stellaires. C’est là que s’est terminée tristement la vie de Lewis Marling. Son fils Robert décide pourtant de s’y installer. Architecte, intoxiqué du jeu, Robert veut reprendre sa vie à zéro. Un ancien locataire, le peintre chinois Xi, avait raconté avant son suicide à Lewis l’histoire de sa grand-mère Li-Jin surnommée Miss Manuki, chanteuse de jazz à Shanghai. Lewis en avait fait le sujet d’un livre qu’il avait commencé à rédiger, « L’église de John Coltrane » dont Robert récupère le manuscrit.
Un monde flottant et instable.
L’écrivain néo-zélandais Chad Taylor, déjà connu en France par plusieurs romans dont Salle d’embarquement, nous offre ici un vibrant hommage au jazz. Mais L’Église de John Coltrane est bien plus que cela. Se noyant littéralement dans le chaos et l’absurdité du monde, Robert Marling va prendre conscience des grands défis de l’art, de ses enjeux de vie et de mort. La tonalité est tragique, accentuée par une écriture au rythme harcelant et ondulant. Multipliant comme Andy Warhol dans ses graphismes les séquences répétitives, Chad Taylor laisse souvent le lecteur en suspens, créant une bizarre impression de vertige qui s’ajoute à l’atmosphère déjà étrange, et angoissante. Dans sa fuite et sa recherche d’une improbable illumination, Robert se sent guetté par le néant. Plus il s’enfonce dans la nuit, plus son écoute et sa réceptivité aux sons, à tous les sons, s’affinent, le plongeant au plus profond de lui-même et le ramenant au souvenir de son père. Car l’obsession de Lewis était de collectionner les disques de jazz au point de détenir la plus fabuleuse des collections dont hérite Robert. Son appartement va devenir un sanctuaire irradiant de notes qui vont l’accompagner dans ses errements. Combinaisons de seules « huit notes de musique » sans cesse reprises, sans cesse renouvelées, Stan Getz, Chick Corea, Gillepsie, John Coltrane… et bien d’autres, leurs mélodies donnent au texte une sonorité envoûtante. Et leur musique se dilue dans les grondements sourds et les remous urbains. L’avantage des vinyles, nous dit Chad Taylor, c’est qu’ « il y a toujours une autre face, un second souffle, un autre angle ». On a beau changer de face, ce que l’on recouvre se reproduit à l’image de ces graffitis qu’un employé de la mairie est chargé de faire disparaître : « avant minuit de nouveaux graffitis apparaîtront : noirs, violets, rouges, verts ». À force le mur deviendra noir. Et puis repeint en blanc… Ce véritable « palimpseste » se déroule sur un air de saxo, « on aurait dit que le saxophoniste cherchait à s’échapper ». La dualité, ressort de toute création. Finalement, Robert découvrira que le peintre Xi est l’auteur d’une invraisemblable supercherie : la mise en scène d’un faux suicide. Mais Xi finira par se donner réellement la mort pour son art. Robert réalisera aussi que les toiles de Xi sont toutes identiques représentant la chanteuse Miss Manuki « flottant dans un ciel d’azur et de nuage ». Reproduction à l’infini de la même image. La peinture, quête d’un sens inaccessible, rejoint le jazz et son souffle inépuisable. Il reste au lecteur à se laisser porter par la mélodie lancinante de Chad Taylor. Et développer sa sensibilité à ce monde flottant et instable dont les incessantes oscillations entre obscurité et lumière ne sont jamais mieux traduites que par les rythmes du jazz.

L’Église de John Coltrane de Chad Taylor
Traduit de l’anglais (Nouvelle-Zélande) par Isabelle Chapman, Christian Bourgois, 307 pages, 24

Saxo de nuit Par Yves Le Gall
Le Matricule des Anges n°104 , juin 2009.
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