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Poésie Arbres, mes frères

juillet 2009 | Le Matricule des Anges n°105 | par Richard Blin

Derrière l’histoire d’amour entre un homme et des arbres, c’est le sens animal du territoire et le bonheur simple des heures de véritable existence, que célèbre Jean Mailland.

Le Journal des arbres

En disciple d’Henri Michaux - pour qui tout vrai poète ne peut que ressentir un jour le désir de se détacher totalement de l’humanité et d’ « entrer dans un monde qui ne doit rien à personne », Jean Mailland (né en 1937), réalisateur et scénariste autant qu’écrivain et auteur dramatique, a décidé, en 1985, au retour d’un long séjour au Québec, de faire une halte dans sa vie, de quitter Paris et sa « bruyance ». Direction, la Champagne pouilleuse et la forêt d’Othe, celle de Sans famille d’Hector Malot, une région qui a des allures de Pologne, le pays d’Anna Prucnal, sa compagne. En quête de solitude régénératrice, ils y font l’acquisition d’une ferme avec dépendances, jardin de curé, verger et Bois. Un Bois à l’abandon, livré aux ronces et au lierre, encombré d’arbres morts, et qu’il va s’agir d’apprivoiser, de travailler. Une forme d’appropriation conçue comme un véritable acte artistique. « Travailler manuellement en forêt, c’est sculpter un espace en le « composant » de l’intérieur ». C’est fabriquer une sculpture géante « constamment changeante et modifiable », sculpture sans fin, « en total devenir, vouée aux risques et périls du temps, des saisons, des climats, des orages et des vandales ».

« Bâtir un lieu pour l’œil et pour l’oreille ».

Le Journal des arbres témoigne de la façon dont Jean Mailland a vécu son Bois (de janvier 1985 à mai 1995), y consacrant tous ses jours et toutes ses heures de liberté. Délivrer chaque arbre de son environnement de broussailles, le débarrasser des branches et des troncs morts, éliminer les bosquets inutiles, tracer des chemins, brûler, lutter contre la sournoiserie du génie végétal. À la main, à la scie, à la machette, « dessauvager, désortiser, déronçailler ». Gagner la bataille des épines et des ronces - dont il faut, à la pioche, enlever les racines et le bulbe. « Le nettoyage du Bois, voilà ma manière de me soigner, d’oublier, de me battre contre de vrais éléments, de mettre de l’ordre en moi, (…), de me mesurer physiquement à l’impossible, l’aléatoire, le provisoire ».
Mais modifier, c’est aussi savoir laisser sa chance à la graine, faire entrer la lumière, savoir décider des coupes et se préoccuper de l’instant présent tout en pensant aux saisons futures. C’est « bâtir un lieu pour l’œil et pour l’oreille », connaître le plaisir d’évoluer à l’intérieur de cette matière vivante et silencieuse, et espérer un jour « arriver à l’entendre, la comprendre ».
Essentiellement bienveillant, organiquement relié à la matérialité profonde de la terre et s’élevant vers le ciel en éclairant ce qui l’entoure, l’arbre est une réserve (invisible) d’être, le complice des joies et des douleurs de Jean Mailland. Rendu lisible, répertorié, « vécu, caressé, rêvé et aimé », chaque arbre est nommé. C’est que les livres étant faits avec des arbres, ceux-ci « deviennent des écrivains », « le nom des auteurs de ma bibliothèque retourne aux arbres ». Les Frênes ont en priorité des noms de poètes, les Chênes des noms d’écrivains, les Châtaigniers des noms de cinéastes. « Cette forêt c’est ma Pléiade à moi ! ».
Un Bois parcouru au petit matin comme au clair de lune. Un Bois où il fait bon faire l’amour, ramasser des morilles, marcher en se disant « là, je planterai un arbre. Là, je créerai un bosquet. Et là je pisserai face au ciel ». Un Bois aussi qui sera vendu… Reste ce Journal des arbres, dix ans d’exercices du Bois, et ce florilège de citations et d’hommages qu’il est aussi - à Héraclite, à Nietzsche, à Vailland, Guillevic, Maïakovski, Essenine… Un concentré revitalisant, de temps, de passion et de poésie.

Le Journal des arbres
Jean Mailland
L’Amourier, 298 pages, 20

Arbres, mes frères Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°105 , juillet 2009.
LMDA PDF n°105
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