Le premier roman de la Britannique Catherine O’Flynn offre l’image désuète d’une adorable petite fille jouant au détective dans les rues de Birmingham. Lorsqu’elle disparaît il ne faut pas s’étonner que les soupçons portent immédiatement sur son ami Adrian, un garçon beaucoup plus âgé qu’elle. En réalité, Catherine O’Flynn réussit à nous captiver non par l’intrigue mais par son contexte. Car le personnage principal est en fait un centre commercial vu sous le regard de Kurt, agent de sécurité, enfin plutôt par les caméras qui lui envoient leurs images ternes sur ses écrans de contrôle. Lisa, la sœur d’Adrian qui travaille dans un magasin de disques va également mener l’enquête. Elle aimerait trouver la vérité mais aussi progresser dans son entreprise et constitue des dossiers de candidatures, de véritables « déclarations d’avilissement ». À la rubrique « hobbies » elle répond : « faire du shopping et lire des magazines ». C’est finalement plus impitoyable que toutes les analyses sociologiques. Catherine O’Flynn fait un procès en règle de l’aliénation consumériste. Lisa se demande en voyant comment ses collègues se nourrissent « s’il ne serait pas plus simple d’être payés toutes les semaines en injections intraveineuses d’amidon modifié et de graisses hydrogénées ». Lisa vit avec Ed. Leur vision du monde est sinistre : « Perdre son temps jusqu’à ce qu’on meure ». Leur temps libre est celui de toutes les déceptions. Le tableau est à peine caricatural. Comment l’imagination enfantine peut-elle garder toute sa fraîcheur dans un monde aussi dénué de poésie ? Le pessimisme fait un peu penser à celui de Dickens. Le dénouement est surprenant mais émouvant, l’humour toujours grinçant, les observations fines et très justes. Et pourtant l’impression d’un manque de vrai rythme. On aimerait être déstabilisé, prendre un coup au cœur ou à l’estomac. Un peu anesthésiant. Dommage.
CE QUI ÉTAIT PERDU
de CATHERINE O’FLYNN
Traduit de l’anglais par Manuel Tricoteaux,
Jacqueline Chambon, 345 pages, 21,80 €
Domaine étranger Ce qui était perdu
juillet 2009 | Le Matricule des Anges n°105
| par
Yves Le Gall
Un livre
Ce qui était perdu
Par
Yves Le Gall
Le Matricule des Anges n°105
, juillet 2009.