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Histoire littéraire Coup de patte

septembre 2009 | Le Matricule des Anges n°106 | par Gilles Magniont

Joliment emballée, une satire de 1956 signée François Nourissier : daté et intéressant.

Les Chiens à fouetter

En attendant le supplément Noël du Matricule des Anges, signalons dès à présent un cadeau qui vous placera parmi les convives de bon goût : un petit livre écrit dans les années 50 qui se voulait sans doute mignon brûlot, accompagné d’un fort joli jeu de l’oie. L’effet est garanti, le petit jeu permettant de placer à distance polie et renseignée les affres et le ridicule de certaines situations décrites par ailleurs. Lorsque le texte paraît, François Nourissier a la trentaine ; rédacteur en chef de la revue La Parisienne, il a travaillé chez Denoël et Grasset, trempe déjà dans les milieux littéraires parisiens. Il semble donc bien connaître ce qu’il décrit sur presque deux cents pages, à savoir, par chapitres, les différents types d’écrivains, les « amateurs », les « pros », ou encore les différentes places, désignées comme il se doit par synecdoque : « 100, rue Réaumur » pour l’écurie Lazareff, ou « 27, rue Jacob » pour le Seuil, etc. Le principe est simple : la première partie est une lettre d’un jeune Tourangeau à un écrivain célèbre, lequel se fend donc d’une fort longue réponse, pleine de bons conseils pour le jeune apprenti. C’est dès la page 29 que l’écrivain, tout à la fois, entame sa description des milieux littéraires et fournit les règles du jeu pour faire carrière, le tout cuisiné à la sauce de celui « à-qui-on-ne-la-fait-pas », distance produite souvent par des procédés récurrents, le plus voyant étant l’oxymore, de la « délicieuse humiliation » à « l’audace raisonnable » en passant par la « violence bienveillante » : ça pose son homme.
Si parfois la posture peut agacer, il faut reconnaître que Nourissier a de l’abattage. Mondain, adepte du bon goût, il pique souvent dans le vague : « Les bons joueurs, par contre, redécouvrent au cours de cette partie prestigieuse les qualités qui font les notaires sages, les médecins achalandés, les bourgeois prospères : la sagacité, la patience, le goût de l’hygiène et du travail. Ne froncez pas les sourcils ; au nombre des atouts je compte le talent ; il est plus rare que les vertus ménagères ». Petit maître, il rase parfois le ridicule - « boutiquiers, gens de comptoir et d’écritoire, piétaille intellectuelle : leur confort et leur victoire sont exclusifs de la présence des seigneurs ». Mais il sait aussi emprunter des accents flaubertiens - « Le Professeur présente des caractères constants. Il a trente-cinq ans, un passé dans la Résistance, le parler franc et familier, une mise négligée parfois gâtée par un malheureux effort d’élégance, une vie sexuelle sans histoires » - ou encore anticiper les situationnistes quand il décrit le magazine Elle, « triomphe d’une société aristocratique qui se préoccuperait d’offrir aux foyers français un petit pain viennois, croustillant et facile à cuire, et le spectacle de cirque le plus optimiste du monde ».
Mais c’est surtout le Nourissier à perruque que l’on retiendra ici, digne héritier des chroniqueurs de l’époque classique qui dresse des portraits d’une troublante intensité, Paulhan, Lazareff, Aragon en Commandeur ou en sacre : « Long prince beige et blanc que l’âge n’a pas réussi à vieillir, Aragon inquiète. Il ne faut pas espérer manœuvrer ce maître-là, voué lui-même avec passions aux habiletés, aux chantages, aux réquisitoires et aux plaidoyers. L’œil de cet ami des hommes est froid, son regard trop mobile est aussi trop lourd. S’il monologue avec vous en vous tournant le dos, c’est qu’un miroir lui permet de mesurer l’efficacité de son jeu. »

Les Chiens à fouetter
de François Nourissier
(accompagné du Jeu de l’oie du petit homme de plume, dessiné par Maurice Henry en 1959)
Le Dilettante, 186 pages, 25

Coup de patte Par Gilles Magniont
Le Matricule des Anges n°106 , septembre 2009.