La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Domaine étranger L’œuvre-vie

octobre 2009 | Le Matricule des Anges n°107 | par Thierry Cecille

Autobiographie fragmentaire, leçons d’écriture et de lecture, villes habitées et rêvées : Pamuk, de manière admirable et pourtant modeste, rend compte de toute une vie.

D’autres couleurs

Un enfant un peu trop sensible, qui observe attentivement les adultes avec leurs drames et leurs secrets, qui voue une affection profonde à la ville, Istanbul, qui à la fois le protège et le tourmente… Un prix Nobel que ses déclarations publiques, parfois outrageusement modifiées, transforment, sans qu’il l’ait désiré, en objet de scandale ou en porte-parole de causes politiques (la question kurde, le génocide arménien)… Un Stambouliote comme des millions d’autres, semblables à lui dans l’angoisse du prochain tremblement de terre qui, peut-être, les engloutira tous, sous les décombres ou les flots du Bosphore et de la mer de Marmara, mêlés, définitivement réunis… Un adolescent dont on veut faire un architecte mais qui, lui, voudrait être artiste, espère pouvoir devenir peintre - et, en attendant, dévore Dostoïevski et Les Mille et Une Nuits… Un écrivain encore méconnu déambulant par les rues d’une autre mégalopole, tout aussi troublante, le New York des années 80… Le même, plus âgé et expérimenté, rejoignant chaque jour, pendant de longues heures, sa table de travail dans un studio équipé à cet effet, comme d’autres se rendent au bureau, et retrouvant alors les mondes qu’il imagine puis construit, patiemment… Le fils face aux manuscrits que le père, qui voulut être écrivain, autrefois, dans le Paris de Sartre, lui a en quelque sorte légués, et qui ne sait qu’en faire, comment, avec justesse, les lire…
Ce sont là quelques figures, quelques personnages (il y en a bien d’autres) qui peuplent cette œuvre protéiforme, présentée sur la première page comme un recueil d’« essais », mais, dans la préface, comme les « idées, images et fragments de vie qui n’ont pas encore trouvé place dans un de [ses] romans » et qu’il a « rassemblées ici dans une continuité narrative », des « épiphanies, ces curieux moments où la vérité affleure et semble soudain s’illuminer que Virginia Woolf qualifiait de moments d’être ». Sont réunis ici des articles (de reportage, de réflexion) pour différents journaux turcs ou étrangers, des entretiens, le discours Nobel, prononcé en décembre 2006, passionnant et émouvant, des préfaces et des textes critiques. Il s’agit donc sans doute aussi d’une sorte d’anthologie personnelle, qui permet à l’auteur de se retourner sur ses propres pas, d’envisager le chemin parcouru, ses victoires, ses essais et ses déceptions - et qui offre au lecteur la découverte, parallèle, de l’homme et de ses thèmes, de ses obsessions, de ses ambitions aussi. Pamuk est avant tout un homme de mots, qui ne pourrait vivre sans lire ou écrire, que la vie, hors de la page, déstabilise, effraie ou dégoûte souvent - mais c’est aussi un homme des sens, sensible aux couleurs - des miniatures turques ou du paysage - et aux odeurs - méditerranéennes ou urbaines. C’est également un intellectuel, déchiré entre la tradition occidentale avec son goût de l’abstraction, des expérimentations modernistes, et le traditionalisme de l’Orient, conservatoire de souvenirs familiaux et impériaux, d’une autre douceur de vivre, d’un rapport différent au temps. Qu’il s’agisse de décrire, en un apologue voltairien (intitulé « Ne pas entrer » !), les affres et aléas de la candidature de la Turquie à l’Union européenne ou de raconter les longues journées passées à arpenter Kars, ville oubliée à l’extrême nord-est de la Turquie, pour y recueillir propos et ambiances pour son roman Neige (en turc Kars’ta Kar, Neige à Kars), c’est toujours avec la même lucidité, teintée d’humour, voire d’ironie envers soi-même, que Pamuk s’applique à remplir ce double objectif (qu’il propose comme principe de l’art romanesque) : « présenter à l’humanité entière notre propre histoire comme s’il s’agissait de l’histoire de quelqu’un d’autre » et « écrire sur la vie des autres comme s’il s’agissait de la nôtre ».

D’autres couleurs d’Orhan Pamuk
Traduit du turc par Valérie Gay-Aksoy
Gallimard, 554 pages, 22,90

L’œuvre-vie Par Thierry Cecille
Le Matricule des Anges n°107 , octobre 2009.
LMDA papier n°107
6,50 
LMDA PDF n°107
4,00