Etudier l’Histoire, c’est souvent l’aborder par tranches et chapitres, de manière chronologique et rationnelle. Francine de Martinoir, par son travail sur la mémoire, rappelle, à l’opposé, que les grands événements sont toujours vécus. Sur fond de guerre d’Algérie et de traumatismes de la Seconde Guerre mondiale, elle tente d’échapper à une biographie factuelle qui ne rendrait pas compte d’un destin, d’accéder « à la texture même de ce qui fut notre temps ». Octavie Delgodère apprend en regardant la télévision que le commandant Préfailles, avec qui elle s’était mariée des années plus tôt en Algérie, est décédé. Elle revisite alors cette partie de sa vie, aidée par son ami Georges, qui veut tourner un film sur cette période et l’assaille de questions. Mais comment une fiction pourrait-elle « capter le vif, le brusque, l’intempestif, l’approche délicieuse du péril, la menace du désir qui donne consistance au monde, l’alarme qui sonne avant l’amour ? » Déçue par le travail sur l’image, Octavie s’appuie sur ses lectures et ses découvertes. Théophile Gautier, Kafka, Giraudoux, mais aussi Fromentin, Marot, là encore l’entreprise consolatrice semble vouée à l’échec. Tout processus d’association, de transcription par l’art ne serait que trahison ? « Je n’avais pas encore mesuré à quel point les fictions m’avaient atteinte en me proposant des modèles d’attachement absolu où la jouissance se nourrissait d’elle-même ou ne pouvait naître que dans le désespoir de ce qui était perdu ». C’est plus simplement l’évocation qui apporte une solution, raconter, transmettre par un récit ou ce qui est habituellement délaissé prend toute son importance. C’est le choix fait par Octavie, mais pas celui de Tancrède. Lui, déraciné, ancien déporté, se mure dans le silence. Une brève confidence, un aveu d’impuissance, traduisent son désarroi : « Il est vrai que maintenant, quand on dit » je reviens du camp « , les gens pensent à un campement de scouts ». Octavie rejoint Tancrède dans ce constat pessimiste, souligne la solitude foncière, à peine
L’AIMÉ DE JUILLET
de FRANCINE DE MARTINOIR
Éditions Jacqueline Chambon, 261 pages, 19,80 €
Domaine français L’aimé de juillet
octobre 2009 | Le Matricule des Anges n°107
| par
Franck Mannoni
Un livre
L’aimé de juillet
Par
Franck Mannoni
Le Matricule des Anges n°107
, octobre 2009.