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Histoire littéraire Dyables au ministère

novembre 2009 | Le Matricule des Anges n°108 | par Éric Dussert

Un volume rassemble les croquis secrets d’André Malraux. Un « univers farfelu » où pointent la malice et la poésie.

On a souvent une drôle d’idée des « Grands Hommes » : on les imagine « Grands » dès le berceau et voués à la Hauteur par un destin inflexible. En réalité, bien sûr, les choses ne sont pas toujours si simples. Songez que le petit Bernard Palissy aurait entamé fort tôt une carrière d’incendiaire de domiciles parentaux, ou que les Curie auraient irradié un bon peu du territoire avant de découvrir quoi que ce soit. Dans le cas d’André Malraux dont l’iconographie a nettement retenu les blousons en cuir et les bérets, il est ainsi remarquable que la Grandeur ne serait probablement pas venue sans le concours insistant d’une volonté impérieuse, étayée par des conflits propices aux anecdotes glorieuses. Que la photographie n’a-t-elle pas fait pour les héros du XXe siècle !
On a assez souvent moqué les accès de grandiloquence nationale du tribun Malraux (« Eeeennttrreee icciiii, Jeaaaan Mouliiinnn »), pour ne pas se montrer attentif à un petit volume illustré dont l’intérêt réside dans la futilité et le bénin : c’est un recueil de dessins, sinon de crobards, tracés d’une main négligente en mille occasions d’ennui par le ministre de la Culture, sur cent supports variés qui s’apparentent au papier à lettre officiel ou à la marge de rapport bureaucratique. L’intérêt de ces petites figures, qui ne dénotent pourtant pas un talent stupéfiant, réside dans leur force de rêverie et de fantaisie. Malraux n’en manquait pas, si l’on se souvient de ses premiers pas littéraires, où, en marge des avant-gardes de l’époque, il traçait des Lunes de papier (Galerie Simon, 1921) d’inspiration farfelue, suivies d’un Royaume-Farfelu (NRF, 1928), histoire de la même eau tirée à 496 exemplaires sur vélin. L’absence de Grandiose dans ces écrits poussa du reste le ministre à ne pas réclamer trop fort leur réimpression, comme il ne s’étendit pas sur sa fameuse « mission archéologique » au Cambodge destinée à renflouer les phynances de son jeune couple, ou bien encore sur les « tournées de chant » qu’il effectuait orgue de barbarie au bout des bras avec son ami Pascal Pia dans les cours d’immeubles parisiens. On raconte que Malraux craignit toute sa vie que Pascal Pia ne révélât ce qui motivait vraiment ces opérations, dont ils revenaient, paraît-il, chargés.
En somme, Malraux aura été un galapiat avant de devenir… un grand dessinateur de dyables. Donc un grand galapiat. Mais on en connaît d’autres qui à l’acmé de fortes carrières ne dédaignaient pas le délassement du crayon. On a ainsi vu paraître un délectable recueil de portraits intitulé Dessine-moi un bolchevique (Tallandier, 2007) où, les révolutionnaires les plus proches de Staline - futures victimes des purges donc - s’entre-caricaturaient allègrement dans des circonstances qui ne prêtaient pas exactement à l’insouciance…
L’idée de rassembler le corpus des dessins de Malraux n’était pas vaine puisque leur auteur lui-même réclamait parfois à ses correspondants le retour de ce qu’il nommait ces « dyables », preuve qu’il leur accordait assez d’importance pour les sauver de la dispersion. Certains sont en effet d’un bel effet, d’autres recèlent de la malice ou de la poésie. On imagine assez le ministre traçant un « dyable de la musique » ou de « la métaphysique » au cours d’une partie technocratie sur table ronde, ou pour supporter le recours assommant de quelque raseur plaidant pour un poste de baronnet culturel. On peut comprendre ça, et regretter dans la foulée que nos présents édiles se contentent, dans les mêmes circonstances, de tapoter sur leur mobile.

L’Univers farfelu d’André Malraux
sous la direction de Marie-Josèphe Guers
Préfaces de Madeleine et Alain Malraux
Le Chêne, 240 pages, 17,90

Dyables au ministère Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°108 , novembre 2009.